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#FDLM459 Audio Expression – Se monter le bourrichon !

Posté le par Le français dans le monde

La puce à l’oreille du 10/04/2025, Lucie Bouteloup

AUDIO

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Transcription – La puce à l’oreille.

Bonjour Lucie.

Bonjour Pascal.

Alors les débats de société, ça vous…
Oula, oula, bien sûr, vous savez, moi je suis du genre à garder la tête froide.
C’est vrai, il ne faut pas trop se monter le bourrichon dans ces affaires-là.

Le bourrichon, ou bobichon ?
Le bourrichon, le bourrichon. Et oui, on en parle tout de suite de ce bourrichon avec la
linguiste Sylvie Brunet.
Mais avant Pascal, comme d’hab…

Bah les enfants.

Ça veut dire quand quelqu’un il t’énerve, bah ça commence à monter ton énervement.
C’est un peu comme « grognon », que ta tête va exploser un moment et que tu en as marre.
T’es un peu mal réveillé, t’es un peu énervé.
Bah, on se monte le bourrichon, ça veut dire on est énervé, mais on est de plus en plus énervé parce que ça commence à monter.
Ça fait penser au mot « bourré », ça va dire que, bah, tu es drogué, ça t’énerve.
Moi ça me fait penser au mot « bourrin» qui veut dire un peu tout casser, et tu es très très énervé, tu as envie de tout casser.
Bah bourrichon, ça ressemble beaucoup à « ronchon ».
En fait, « bourrichon » ça me fait penser à « cornichon » parce que les cornichons c’est acide et donc du coup, bah,
ça fait que t’es énervé, donc tu as de l’acide dans la tête.

C’est la puce à l’oreille.

Bonjour Sylvie Brunet.

Bonjour Lucie.

Alors qu’est-ce que vous pensez des propositions des enfants : « se monter le bourrichon » ?
C’est compliqué.

C’est compliqué. On sent que c’est une expression populaire qui s’est éloignée d’eux, qui était familière dans les générations précédentes
où une mère disait facilement à son fils : « arrête de me monter le bourrichon », « te monte pas le bourrichon sur telle histoire », etc.
Mais là, on sent qu’ils s’en sont éloignés. En revanche, ils ont des petites idées sur le suffixe « on ».
Ils ont dit « ronchon », ils ont dit « grognon », ils sentent que c’est populaire et que c’est un petit peu péjoratif.
Comme quand on dit il est « maigrichon », « pâluchon », il est « pâlichon », des « nichons », les « Bidochons »…
Tout ça, c’est dans le même registre, le registre populaire qui est vraiment la source de ce mot « bourrichon » qui vient de la « bourriche ».
Peut-être qu’il ne mange plus beaucoup de bourriche d’huîtres à Noël et c’est le seul moment de l’année où on entend
encore le mot « bourriche »,qui est un panier en osier long qui servait depuis très longtemps
à transporter et des poissons et des gibiers.
Et maintenant on s’en sert uniquement pour les huîtres. Et à partir de là, eh bien, on a mis le suffixe « on »,
dans l’argot du XIXᵉ siècle, et ça désignait : la tête.

La tête. Alors, « se monter le bourrichon », qu’est-ce qu’elle veut dire cette expression ?

Alors elle veut dire : se faire des idées. « Monter le bourrichon à quelqu’un », c’est lui en faire accroire, lui donner des illusions
ou se faire pour soi-même des illusions.

Alors comment est-ce qu’on passe de ce panier, de cette bourriche, à cette idée de s’exalter, donner des illusions à quelqu’un ?

Tout vient de la tête. L’intermédiaire, c’est la tête, le récipient.
Et vous savez que quand on parle de la tête en argot ou en français populaire, on peut aussi bien dire la cafetière,
la théière…

Le bocal.

Le bocal, effectivement. Et c’est à partir de là que la tête est vue comme un récipient.
Et ça, c’est une très vieille histoire en français, parce qu’on ne le sait pas,
mais le mot « tête » lui-même, il désigne « testa » en latin.
C’est un récipient en terre cuite, alors que nous avions le mot latin « caput capitis », qui voulait dire la « tête ».
Et bah, on a choisi le mot populaire qui voulait dire le récipient en terre cuite à usage ménager. Voilà notre tête.

Alors cette expression, « se monter le bourrichon », depuis quand on l’utilise ?

Depuis à peu près le milieu du XIXᵉ siècle. Flaubert, il l’emploie beaucoup dans son journal,
et lui, il en fait carrément un synonyme du moral.
Il dit : « Je vais me remonter le bourrichon, ça ne va pas, je vais me remonter le bourrichon ».
Mais c’est né dans l’argot populaire parisien.

Qu’est-ce qu’on pourrait trouver comme synonyme à « se monter le bourrichon » ? « Se monter la tête », bien sûr.

« Se monter la tête ». Quand je me monte le bourrichon, je me fais des plans qui ne vont sans doute pas exister.
On « se fait un film ».
On se fait un film.
En tout cas, Sylvie, sage comme vous êtes, je suis certaine que vous n’êtes pas du genre à vous monter le bourrichon.
Le bourrichon, un mot qu’on retrouve dans votre dernier ouvrage :  « Ces mots qui n’existent pas mais qu’on emploie quand même».
Il est édité aux Éditions de L’opportun.
Merci Sylvie d’être venue dans la Puce.
Une puce que vous pouvez retrouver sur le site francaisfacile@rfi.fr.

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