Ilni, l’actualité au service de l’apprentissage

Posté le par le français dans le monde

Cette plateforme dédiée à l’information et au divertissement propose d’apprendre le français grâce à un fonds composé de centaines de courtes vidéos, accompagnées d’une aide à la compréhension et de ressources pédagogiques. Découverte d’un média éducatif ingénieux et performant.

Ilini. Un nom à consonance italienne? Que nenni ! Ce mot où chantent les i est en réalité un mot bemba venu de Zambie qui signifie « oeuf ». Un clin d’oeil à la diversité linguistique du monde, et à l’idée que l’apprentissage des langues est une naissance – ou une renaissance – qui nous transforme profondément.
Benjamin Rey, qui a créé la plateforme Ilini, est lui-même un passionné des langues : il parle non seulement anglais et espagnol mais aussi grec et arabe, et a longtemps travaillé au sein d’un environnement éminemment multilingue, le Parlement européen. Et pour améliorer ou entretenir son niveau linguistique, il a vu à quel point le suivi de l’actualité en langue originale pouvait faire la différence. Il lance donc Ilini en 2017, à Lyon, au sein d’Hôtel71, un incubateur dédié aux médias émergents. Cinq ans plus tard, c’est une équipe de cinq personnes, en majorité des enseignants, aidée de quelques collaborateurs occasionnels, qui continue son développement, toujours entourée d’autres entreprises numériques lyonnaises.
Sur la plateforme, ce sont aujourd’hui près de 900 vidéos en français qui sont disponibles. De la carrière cinématographique de Jean-Luc Godard, décédé en septembre, à la prise de parole du président Macron sur le harcèlement scolaire adressée aux jeunes Français à la rentrée sur TikTok, de la visite du mont Saint- Michel à l’entrée du pronom neutre « iel » dans le Petit Robert, des Jeux olympiques de Paris 2024 à Stromae ou à Kylian Mbappé… les sujets touchent à tous les domaines pouvant intéresser de jeunes apprenants de français curieux de la France. Car le site vise avant tout les enseignants et, à travers eux, leurs élèves, pour un travail à réaliser en cours comme à la maison : une des fonctionnalités de la plateforme permet au professeur d’y créer des « classes » et d’assigner des devoirs.

Deux ou trois nouvelles vidéos par semaine

Pour faciliter la compréhension, chaque vidéo – d’une durée le plus souvent de 2 ou 3 minutes, parfois un peu plus – est accompagnée de sous-titres interactifs en français. Il suffit de cliquer sur un mot pour que la définition (et éventuellement sa traduction) apparaisse, que l’on puisse réécouter sa prononciation et l’ajouter à son carnet de vocabulaire – avec la phrase dont elle est tirée pour ne pas perdre le contexte.

L’élève pourra y revenir plus tard, et réviser les mots avec des flip-cards. Autres ressources qui accompagnent les vidéos : un quiz final, à faire soit directement en ligne, soit sur papier grâce à la version téléchargeable ; également la retranscription intégrale du texte de la vidéo ; des exercices récurrents – mots à séparer, phrases à replacer dans l’ordre, textes à trous (centrés sur les verbes ou les noms), puzzles de mots ou de phrases. Ici pas de scénario pédagogique plus développé : car, explique Benjamin Rey, « ces exercices correspondent davantage au besoin des enseignants », qui utilisent bien souvent les vidéos comme déclencheurs en début de cours, ou en ouverture à la fin. Ces exercices standardisés ont un autre atout : tout comme les retranscriptions, ils sont générés grâce au traitement automatique des langues (TAL) et permettent davantage de réactivité, pour coller au mieux à l’actualité. Ce sont ainsi deux à trois nouvelles vidéos qui sont publiées par semaine.

Mais quels critères de sélection des contenus, parmi l’offre prolifique d’Internet ? « On croise l’actualité avec les thèmes des programmes d’enseignement – et les centres d’intérêt des jeunes. On privilégie plutôt des vidéos qui ont un message positif, un bon son pour des raisons évidentes de compréhension et aussi des qualités esthétiques, dans la mesure où la beauté de l’image participe aussi de l’engagement. » À côté des entrées « Culture », « Visitez la France », « Sport », « Société », on trouve une thématique « Musique » très consultée, qui fait la part belle à la pop culture, mais sans négliger les classiques (Brel, Brassens, Barbara, etc.). Et si Emmanuel Macron apparaît régulièrement c’est que, s’en défend Benjamin Rey, « la position de la France sur la scène internationale intéresse beaucoup, et c’est bien la figure présidentielle qui l’incarne ». Ce qui n’empêche pas Ilini de reprendre des capsules vidéo où le président est tourné en dérision : car la plateforme a à coeur de proposer à la fois de l’actualité mais aussi du divertissement.

Bientôt en italien, allemand, voire mandarin !

Pour faciliter leur exploitation pédagogique, les vidéos sont classées à la fois selon leur niveau linguistique (d’A2 à C1-C2) et par programmes d’enseignement : thèmes du CECRL, programme du Baccalauréat international (IB) et aussi curriculums américains (AP French) ou britanniques (Edexcel’s AS and A-Level French, AS et A-Level de l’AQA). Cet accent mis sur les programmes anglo-saxons a un fondement historique : c’est à Londres qu’Ilini est lancé en 2017 et la plateforme se tourne alors naturellement vers le Royaume-Uni et l’Amérique du Nord. Ces pays représentent aujourd’hui encore 60 % des utilisateurs. Le reste des quelque 100 000 inscrits sont disséminés dans une centaine de pays différents, notamment en Inde, aux Émirats arabes unis ou en Europe. L’Amérique latine apparaît comme un marché prometteur, que Benjamin Rey a bien l’intention de développer. Depuis la rentrée 2022, l’interface de vidéos en français est devenue trilingue (français / anglais / espagnol), pour mieux aider des apprenants de français anglophones et hispanophones. Elle propose désormais en parallèle également des vidéos authentiques en anglais et en espagnol, selon la même logique éditoriale que les contenus en français. Parti du français langue étrangère, Ilini ambitionne de devenir un outil véritablement multilingue.

D’autres langues sont envisagées pour la suite, notamment l’allemand, l’italien – peut-être le mandarin, malgré les problèmes techniques qu’une telle langue peut poser. Sans négliger pour autant le développement et l’approfondissement de la partie en français : « Nos contenus ont été jusqu’ici fortement centrés sur la culture française. Parce qu’Ilini est née en France et que notre valeur ajoutée était de donner ce regard “de l’intérieur”. Mais nous sommes actuellement en discussion pour développer des partenariats avec le Canada, la Louisiane et aussi des médias africains. L’idée est d’élargir nos sujets à toute la francophonie. »

Si les enseignants représentent aujourd’hui environ 60 % des utilisateurs, la plateforme attire aussi des apprenants individuels de tous âges – « souvent des jeunes actifs de 25-35 ans, qui ont besoin des langues dans leur travail, mais aussi des retraités ». Un quart des contenus sont en accès gratuit. Le reste est réservé aux abonnés, tout comme les fonctionnalités destinées aux enseignants (accès au téléchargement des ressources et constitution de classes en ligne). Les abonnements sont possibles à titre individuel ou à l’échelle des établissements.

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