Hugues-Fabrice Zango, le triple saut en avant

Posté le par le français dans le monde

Le Burkinabé de 30 ans, champion du monde de triple saut et docteur en génie électrique, est installé en France depuis 2016. Portrait d’un athlète atypique, bien décidé à marquer l’histoire de son sport et de son pays en décrochant l’or cet été à Paris.

Par Sarah Nuyten

Hugues-Fabrice Zango est l’icône d’une discipline et la fierté de tout un peuple. Et cela n’a rien d’un hasard. Il l’a décidé, voilà tout. Ce spécialiste du triple saut n’a cessé de gravir les marches des podiums : médaille de bronze aux Mondiaux de 2019 au Qatar, argent en 2022 aux États- Unis, et l’or en 2023 à Budapest. En devenant champion du monde, avec un saut de 17,64 m, Zango a aussi offert au Burkina Faso sa première médaille d’or de l’histoire aux Mondiaux d’athlétisme. Dans ce pays qui ne compte presque aucun sportif de haut niveau, c’est peu dire qu’il est aujourd’hui une star. Pourtant, rien dans son enfance ne laissait présager un avenir d’athlète mondialement reconnu. Plus bouquins que terrain, il brille à l’école et se rêve ingénieur. « Culturellement, au Burkina Faso, le sport n’occupe pas une place prépondérante, c’est l’école avant tout, explique-t-il. Moi je faisais du sport pour les notes. » Premier de classe, il s’essaye au taekwondo, finalement abandonné car « trop violent », puis s’éclate au foot avec ses copains. Son talent pour le triple saut n’est repéré que tardivement, il est alors en première. Sa ténacité et son amour du défi feront le reste. « Quand je suis arrivé au stade le premier jour, j’étais émerveillé par ce que faisaient les autres, et dont j’étais incapable à l’époque, se souvient-il. C’était un domaine qui échappait à mes connaissances, contrairement au champ scolaire. Ça a piqué ma curiosité et j’ai eu envie de progresser. » Hugues-Fabrice Zango se passionne pour l’histoire de l’athlétisme et ne tarde pas à nourrir de grandes ambitions. Les Jeux olympiques de 2012 sont une révélation : « Je me suis tout simplement dit qu’il fallait que j’aille aux JO, c’est devenu mon moteur. »

Génie éclectique

En 2016, il s’envole pour la France avec un visa étudiant. Cap vers le Nord, où il rejoint le club de l’Artois Athlétisme et intègre l’université d’Artois. Ses réussites en triple saut vont crescendo. Outre ses titres mondiaux, Hugues-Fabrice Zango bat le record du monde en salle le 16 janvier 2021 et devient le premier homme à sauter au-delà des 18 mètres (18,07 m). La même année, il remporte la première médaille olympique de l’histoire du Burkina Faso aux Jeux de Tokyo, avec le bronze. C’est la première fois qu’un athlète africain est sacré au triple saut. Simultanément, Hugues- Fabrice planche sur sa thèse en génie électrique et parvient à mener de front une carrière sportive de haut niveau et de grandes études universitaires. Consécration en 2023 : il est champion du monde du triple saut et obtient son doctorat. « C’est vrai que c’était une sacrée année », s’amuse-t-il. Aujourd’hui, son objectif est clair. Réaliser « quelque chose de magique » aux Jeux olympiques de Paris cet été. « J’ai déjà un demi-pied sur le podium, maintenant il me faut gravir les échelons jusqu’à la médaille d’or, lance-t-il. Je dois travailler pour finir en apothéose. Après, je pense que je n’aurai plus la même envie. » Avec la détermination et la rigueur qui le définissent, Zango suit un entraînement exigeant, sous la houlette du Français Teddy Tamgho, lui-même ancien champion du monde de la discipline. Cap sur les Jeux, donc, mais aussi déjà sur l’après. En janvier dernier, il a ainsi lancé une fondation à son nom. Celle-ci développe des projets à destination des jeunes burkinabés, avec en ce moment une caravane des Jeux visant à démocratiser le sport et les valeurs olympiques. « Je voudrais que le sport devienne une culture dans mon pays, que ça s’inscrive dans le rêve de la jeunesse » , affirme Zango. L’athlète souhaite aussi utiliser sa notoriété pour mettre à profit les acquis de sa thèse de génie électrique et « faire un pont entre l’Europe et l’Afrique, sur la question des moteurs électriques notamment » , dévoile-t-il. Une ambition minutieusement pensée, qui s’apparente déjà à un plan d’action. Car Hugues-Fabrice Zango a toujours un saut d’avance.

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