Devenir professeur indépendant

Posté le par le français dans le monde

Le Covid-19 a saisi un marché du FLE démuni, obligé de transformer son offre en présentiel en offre à distance et de l’adapter au support numérique. En même temps, il a vu surgir un nouvel entrant : le professeur autoentrepreneur. Pistes et analyse.

Printemps 2019, rappelons- nous : des Institut français et des Alliances françaises à l’arrêt, des centres de cours privés en perdition, des milliers de professeurs déjà précarisés, sans ressources et « en colère »… La Covid-19 a saisi un marché du FLE sans modèles alternatifs, peu familier du support numérique et de la spécificité de sa culture. Le temps de s’adapter, qu’un nouveau vocabulaire s’installe – cours en ligne, webinaire, outils collaboratifs, portage salarial, stratégie de spécialisation, communication par les contenus, LMS Learning Management System… –, on a vu apparaître de nouveaux acteurs : des professeurs-entrepreneurs. Qui inventaient d’abord à tâtons puis de manière de plus en plus professionnelle une économie de l’apprentissage du français, innovante et performante. Fort de l’expérience acquise, on peut aujourd’hui dégager une méthodologie systématique pour se présenter sur ce marché de l’auto-entreprise et le conquérir.

Choisir de franchir le seuil de l’auto-entreprise

D’abord un désir : avoir à l’esprit les avantages de la vie de travailleur indépendant en lien avec son envie d’exercer son métier d’enseignant. Ici, une feuille de papier suffit pour lister ce que l’on vise en priorité en devenant prof de FLE indépendant, notamment les avantages de ce style de vie : choisir le type d’élèves auxquels enseigner ; être libre géographiquement ; choisir quand on travaille et quand on ne travaille pas ; planifier son emploi du temps et construire la semaine parfaite ; décider de sa rémunération horaire et pouvoir l’augmenter ; gagner sa vie en proposant aux élèves de télécharger du matériel pédagogique dont on est l’auteur, etc.

Choisir une spécialité

Comme préalable, on recommandera une lecture : Stratégie océan bleu (de W. Chan Kim et Renée Mauborgne, Pearson, 2015). L’idée principale est la suivante : choisir préalablement son « océan bleu », c’est-à-dire choisir d’enseigner à un public précis. Par exemple : enfants d’expatriés à Londres ; adolescents en ligne préparant un DELF junior ; personnel médical au Portugal souhaitant travailler en France ; ou bien encore choisir d’enseigner un français de spécialité (le français médical, le français de la diplomatie, le français de l’entreprise, le français du tourisme…). Pourquoi cette stratégie ? Parce qu’être un professeur de français trop généraliste (« le français pour tous sur Internet », etc.) conduit à se situer sur un marché très concurrencé. Les enseignants de ce marché saturé se retrouvent obligés de se démarquer en baissant leur prix. Une forme de course au « français pas cher et bradé » qui s’avère finalement nocive pour tous les enseignants situés sur ce marché. Dans ce livre on appelle ça un « océan rouge », un marché non pertinent dans lequel les concurrents sont trop nombreux. Au contraire, en choisissant une spécialité (un « océan bleu » donc), on justifiera un meilleur taux horaire et avec le temps, le travail et l’expérience, on gagnera en expertise, en épanouissement et en niveau de vie. L’étudiant y gagne aussi : il trouve exactement le professeur qu’il lui faut ; un professeur concentré et expert de sa situation et du contexte. La bonne stratégie, c’est souvent la stratégie de la spécialisation. C’est le choix de la qualité pour le professeur et pour l’étudiant.

Privilégier les cours collectifs pour mieux vivre de son métier

On conseillera aux nouveaux professeurs auto-entrepreneurs de constituer des mini-groupes de 4, 6 ou 8 étudiants. Ils y gagneront mieux leur vie qu’avec des cours particuliers et ceux-ci s’en trouveront aussi gagnants. Avec le choix d’un enseignement en groupe, la rémunération est plus élevée que ce que l’on constate chez les salariés des centres FLE et constitue une manière de mieux vivre de son métier avec plusieurs avantages : un meilleur niveau de vie (comparé à l’activité de cours particuliers) ; l’avantage de travailler moins d’heures par semaine ; et pour l’apprenant, l’avantage d’apprendre au sein d’un petit groupe apportant dynamisme, interactions et motivation – et il paiera moins cher de l’heure !

Choisir son canal de communication

Pour se faire connaître et voir son offre repérée par les étudiants, il conviendra de choisir un canal de communication qui corresponde à sa personnalité. Chaque enseignant est en effet différent et peut se sentir plus à l’aise dans telle ou telle manière de s’exprimer. Certains apprécient de réaliser des vidéos pour les diffuser ensuite sur YouTube, Facebook, Instagram ou TikTok… D’autres choisiront le son, la voix et pourraient alors être tentés par la réalisation d’un podcast sur un outil gratuit, par exemple Anchor. Enfin, des enseignants préféreront s’exprimer à l’écrit : un blog WordPress ou des publications LinkedIn peuvent être pertinents. On pourra ajouter à côté du texte des visuels conçus avec Canva, dont il existe une version gratuite. Ne pas hésiter non plus à utiliser un outil d’infolettre pour envoyer ses conseils d’enseignant aux internautes apprenants.

Se former en marketing FLE et en entrepreneuriat FLE

Se lancer à son compte consiste à définir sa singularité entrepreneuriale dans le monde de l’enseignement du français, puis à choisir les canaux qu’on utilisera pour se faire connaître. Comment cesser d’être un professeur dans une situation podcast, une chaîne YouTube, un site web et animer ses réseaux sociaux ? Quel réseau social pour quel projet ? Comment obtenir les agréments de formateur ? Comment permettre aux élèves de payer en ligne leur cours ?…
Se former en entrepreneuriat FLE, c’est savoir maîtriser un prévisionnel financier et un business plan de son activité. On arrive à bon port en se fixant un cap : le mot business plan peut impressionner mais c’est plus simple qu’on le croit. C’est aussi avoir la capacité de répondre à un certain nombre de questions : Quels prix fixer ? Comment planifier sa semaine de professeur et envisager ses de sous-traitance et travailler sa propre visibilité ? Par quoi commencer ? Quel est le plan d’action qui fonctionnera, étape par étape ? Quel créneau ou quelle spécialisation est viable pour moi ? Quels sont les tarifs à pratiquer ? Comment quitter les plateformes quand on veut travailler en direct avec ses propres élèves ? Comment créer un revenus ? Quelles dépenses peuvent être utiles : site web, forfait mobile et internet, logiciel de suivi client, achat d’ordinateur ?…

Garder la motivation

Passer à l’auto-entrepreneuriat réclame de la persévérance, de la constance et de la régularité, en particulier dans l’indispensable production de contenus. Et puis dans cette entreprise, on n’est pas seul. S’entraider, se galvaniser, se soutenir passe par exemple par la formation d’un petit groupe de professeurs indépendants qui aide à prendre du recul. Il est aussi important de s’entourer de gens qui savent ce qu’est la réalité de la vie d’indépendant et permettent à chacun de relativiser. Et avec qui ce sera aussi l’occasion de célébrer les succès à plusieurs !


« Le conseil de Corentin qui m’a le plus aidée ? Créer une offre spécialisée. Merci la stratégie Océan bleu ! Peu de profs indépendants parlent du français de Belgique. Pourtant, Bruxelles est la 2e ville mondiale pour les expatriés. Et moi, j’adore parler de ma culture. C’était évident de me spécialiser auprès de ce public bruxellois. Et devinez quoi ? Ça marche ! Mes élèves me choisissent parce que je suis une prof belge qui parle de la Belgique. Me spécialiser auprès d’un public, c’est LE conseil du début de mon aventure entrepreneuriale. »

MARIE-ANGE HOTTELET, « Bruxelles, j’arrive! » (https://www.bruxellesjarrive.be)


« La formation du Café du FLE m’a permis de définir précisément avec qui je voulais travailler et quels étaient mes atouts. J’ai ainsi décidé de me démarquer en jouant au maximum la carte
de l’authenticité, aussi bien dans mon podcast que sur les réseaux sociaux. De cette manière, j’attire les personnes qui me ressemblent et que j’ai beaucoup de plaisir à accompagner dans leur perfectionnement en français. »
KATHY BEAUVAIS, « The French Instinct » (https://katyslanguages.fr)


« J’ai pu découvrir des connaissances fondamentales du marketing : stratégie de positionnement, de publication de contenu, loi de Pareto, importance des partenariats, avantages du portage salarial… Ce qui a été aussi très intéressant, c’est que Corentin nous a rendus actifs, nous demandant de trouver par nous-mêmes les éléments qui font le succès d’une stratégie de promotion de cours ou de contenu FLE sur Internet. J’ai pu appréhender le monde numérique de façon plus rationnelle, consciente, et pratique. »
LIONEL RONDEAU, « Le français pour de vrai ! » sur YouTube et TikTok

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