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FDLM435 – Prendre ses cliques et ses claques – Hommage à Alain Rey

Posté le par Pierre Alain Le Cheviller

Reportage – Prendre ses cliques et ses claques

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La Puce à l’oreille du 04/11/2020 : « Prendre ses cliques et ses claques – Hommage à Alain Rey » – Lucie Bouteloup

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Pascal Paradou : Bonjour Lucie Bouteloup !

Lucie Bouteloup : Bonjour Pascal.

Pascal Paradou : Vous avez rencontré Alain Rey, nous l’avons rencontré, mais vous plus encore.

Lucie Bouteloup : [Elle rit] Oui, c’est vrai, j’ai eu l’immense honneur de le recevoir à plusieurs reprises dans cette chronique.
Et je me souviens, comme à chaque fois il écoutait avec une attention toute particulière les propositions de définition des enfants : à la fois amusé et aussi très curieux de la façon dont ces jeunes écoliers s’approprient la langue.
Alors, avant de « prendre ses cliques et ses claques » pour de bon, eh bien Alain Rey était justement venu nous expliquer le sens de cette expression dans La Puce.
Et aujourd’hui, eh bien pour lui rendre hommage, on va la réécouter cette Puce.
« Prendre ses cliques et ses claques » avec Alain Rey, c’est parti.

Jingle et tapis sonore du micro-trottoir de La Puce à l’oreille

Des enfants parlent chacun à leur tour :

– Clic, clac, le loup a fermé sa bouche. Je prends mes cliques et mes claques, ça veut dire que je pars et que je m’en vais.
– Quand tu mets deux claques à quelqu’un. La première, elle fait clic et la deuxième, elle fait clac.
– Par exemple, tu prends tes choses et ton autre chose.
– Clic, clac, tu veux partir ?
– Et ben en fait, moi je pense que ça signifie que tu m’as fait quelque chose, alors je te refais quelque chose que t’aimes pas que je te fasses.
– Clic, clac, j’ouvre ma porte.
– Clic, ça veut dire par exemple que tu fermes la porte et clac ça veut dire par exemple que tu mets des claques à quelqu’un.
– Clic, ça veut dire tu prends tes choses et clac, ça veut dire tu t’en vas et tu pars.
– Clic, clac, j’ai trouvé un Pokémon.
– Clic, clac, c’est l’appareil photo d’une personne, heu, d’un téléphone, d’une tablette.
– Quand tu fais de la danse avec des claquettes, tes chaussures elles vont faire clic, clac, clic, clac quand tu feras la danse.

Jingle « La Puce à l’oreille » dit par des enfants

Lucie Bouteloup : Alors Alain Rey, clic, clac, clic, clac : on en est où avec cette expression « prendre ses cliques et ses claques » ?

Alain Rey : Ben je crois que les enfants ont tout dit, hein, parce qu’ils ont pensé à la claque qu’on donne à quelqu’un, qui est une gifle. Ils ont pensé à « clic, clac », qui est un signal un peu rapide, comme ça. Et ils ont donné le sens normal de cette expression : « prendre ses cliques et ses claques », c’est s’en aller très rapidement.

Lucie Bouteloup : Alors peut-être qu’on pourrait préciser l’orthographe de l’expression. Comment est-ce qu’on
écrit « clic, clac » ?

Alain Rey : Clic, clac, on l’écrit en général comme une onomatopée : C-L-I-C et C-L-A-C.
Mais quand il s’agit « des cliques et des claques » [il rit], sans les liaisons, là à ce moment-là, c’est C-L-I-Q-U-E et C-L-A-Q-U-E.

Lucie Bouteloup : Alors qu’est-ce que c’est que les cliques et qu’est-ce que c’est que les claques ?

Alain Rey : Alors voilà, on voit bien que cette expression est faite pour sa sonorité. Et que « clique » et « claque » sont choisis parce que ça résonne et pas du tout pour un sens précis.
Mais on peut très, très, bien trouver une origine à « clique » : cliquer, qui est un bruit.

Lucie Bouteloup : Comme le double clic sur le clavier de l’ordinateur par exemple.

Alain Rey : Le double clic qui nous est arrivé avec l’informatique : double cliquer et on dit pas double claquer évidemment. Double claquer, c’est flanquer deux gifles, c’est vraiment autre chose
[il rit]

 Lucie Bouteloup : Cliquer, ce serait donc ce petit bruit sec, un peu aigu.

Alain Rey : C’est le petit bruit sec, un peu aigu et qui alors là emporte l’idée d’un matériel cliquetant, d’un matériel qui fait du bruit et qu’on emporterait avec soi en filant très vite et ça fait clic, clac …

Lucie Bouteloup : Et il y a toujours cette idée de rapidité effectivement.

Alain Rey : C’est l’idée de rapidité et j’aime beaucoup la petite fille qui a pensé aux claquettes [Elle rit],
parce que justement quand les danseurs de claquette produisent des bruits alternés, qui font cet espèce de musique sèche, le clic, clac est parfaitement justifié.

Lucie Bouteloup : Alors vous expliquez dans votre ouvrage, que au Moyen-Âge, le clique désigne un loquet ou une détente.

Alain Rey : Voilà, donc c’est aussi, c’est un objet qui produit le son clic. Donc, effectivement, quand la porte se referme et qu’il y a, au lieu d’avoir une serrure avec une clef, on a un loquet qui retombe sur son support, ça fait un bruit métallique et c’est le clic en question.

Lucie Bouteloup : Vous expliquez également que dans certaines régions, le mot clic répété : clic, clic, clic, clic, clic, évoque le bruit des pas rapides sur le sol et c’est ce qu’aurait donné plus tard [Alain Rey : C’est ça oui, oui] l’idée que les cliques, c’est les jambes en fait.

Alain Rey : Heu, c’est un peu les jambes ou la rapidité ou les pas ou les pieds, sur le sol, avec le bruit de la fuite.
Mais clic, clic est beaucoup moins intéressant qu’une alternance avec le « a » [Lucie Bouteloup : de clic et de clac], avec clic, clac qui donne ça.

Lucie Bouteloup : Et les claques, c’est aussi ce qui définissait toute une variété de souliers, de sabots [Alain Rey : exactement], qui protégeaient en fait les souliers des intempéries, de la pluie, de la neige : les claques.

Alain Rey : Oui alors les claques au XIXe siècle, c’était un protège-soulier quand il faisait mauvais. On connait très bien ça encore aujourd’hui au Québec, hein. Mais l’expression est différente.
Et le mot clac en lui-même, finalement, est disponible pour n’importe quoi qui est censé faire du bruit. Le bruit des pas est vraiment la chose essentielle dans cette expression.

Lucie Bouteloup : Donc les souliers, les jambes…

Alain Rey : … la vitesse, la fuite.

Lucie Bouteloup : Finalement, on prend nos jambes à notre cou, quoi.

Alain Rey : Alors prendre les jambes à son cou, ça c’est encore plus bizarre parce que franchement, ben ça veut dire, je fuis en courant très, très vite et …

Lucie Bouteloup : Sans rassembler ses affaires pour le coup !

Alain Rey : Ah non, non là, on n’emporte que ses jambes, si j’ose dire. [Il rit]

Pascal Paradou : Alain Rey dans La Puce et toujours ce plaisir de raconter les mots. Merci Lucie.

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