« Le français est comme mon amour »

Posté le par le français dans le monde

Dans le contexte de crise actuelle liée à l’épidémie de coronavirus, votre revue a décidé de mettre chaque jour en ligne, depuis le 20 mars – journée de célébration de la francophonie – et tous les jours à midi, un article du « Français dans le monde » en libre accès. Aujourd’hui, la VIE DE PROF de Winnie Okumu, enseignante de français au Kenya. Un article à retrouver dans le numéro 423 de mai-juin 2019. Bonne lecture (et bon courage) à toutes et tous !

 

Enseignant le français dans une grande école privée de Nairobi, la capitale du Kenya, Winnie Okumu mène de front une autre de ses passions : le mannequinat. Récit d’un double cursus qui n’a jamais aussi bien vanté la beauté du savoir.

 

Winnie devant l’établissement où elle enseigne à Nairobi.

« Je suis une jeune maman kényane, je viens de Kogelo, une petite ville à l’ouest du Kenya d’où est originaire la famille de l’ancien président des États-Unis Barack Obama. Je suis enseignante de français langue étrangère depuis maintenant 5 ans à l’Oshwal Academy, à Nairobi. C’est une grande école internationale privée et indienne, qui va de la maternelle jusqu’à l’université et compte environ 3 000 élèves, avec une majorité d’origine indienne mais avec aussi des Kényans bien sûr et d’autres nationalités africaines.

Pour ma part, j’enseigne dans le cycle supérieur, c’est-à-dire les élèves de 11 ans jusqu’à 20 ans. J’adore ce métier avec lequel je gagne mon pain quotidien. Mon plus bel accomplissement et ma plus grande satisfaction c’est de voir les sourires et la fierté de mes élèves chaque jour à la fin d’un cours. J’essaie que celui-ci soit intéressant, amusant et animé, le tout dans une ambiance conviviale. Pour cela, j’utilise des méthodes, des approches et des stratégies différentes selon le niveau que j’enseigne. Je me sers fréquemment de l’approche communicative, qui est motivante et encouragent les apprenants à s’exprimer plus facilement. Je leur donne des documents authentiques à exploiter, photos, articles de presse, extraits audiovisuels… Cela rend les choses plus concrètes et développe leur curiosité. Mon objectif c’est de promouvoir l’autonomie chez mes élèves et de les inciter à aimer cette langue française. Pour les niveaux inférieurs, j’utilise souvent les chansons, les jeux ou les films qui séduisent toujours.

Mon métier d’enseignante, je l’exerce aussi au Kenya Wildlife Service Training Institute, mais à temps partiel. J’y prépare au diplôme de français les étudiants en hôtellerie et tourisme. Pour eux c’est un peu différent car ils ont déjà choisi leur carrière donc ils sont toujours très sérieux.

Découverte à l’âge de 20 ans par des créateurs de mode pendant une semaine culturelle à l’Université Kenyatta, à Nairobi, j’ai décidé de continuer mes activités de mannequin tout en poursuivant ma « vie de prof »

Enseignante et… mannequin

En plus de l’enseignement, je poursuis une carrière de mannequin. En novembre dernier, j’ai été couronnée « Miss Univers » de ma région Siaya County où je mène une campagne contre la violence sexuelle et sexiste. Je travaille également pour une maison de couture qui s’appelle Nguo Affordable, et je les aide à faire le marketing de leurs produits.

Découverte à l’âge de 20 ans par des créateurs de mode pendant une semaine culturelle à l’Université Kenyatta, à Nairobi, j’ai décidé de continuer mes activités de mannequin tout en poursuivant ma « vie de prof ». Les gens me demandent souvent comment je gère les deux en même temps. Eh bien c’est simple : je suis professeur le jour et mannequin le soir, les week-ends et pendant les vacances ! Ces deux métiers me passionnent et je n’arriverais pas à quitter l’un pour l’autre. De plus, l’univers de la mode est très vivant en France et compte tenu que je suis anglophone et francophone, c’est un atout supplémentaire pour moi. J’ai eu plusieurs opportunités grâce au fait que je suis bilingue. Je me souviens notamment, il y a quelques années, d’une grande conférence organisée par les Nations unies où l’on avait besoin de mannequins qui pouvaient s’exprimer en l’une de ses langues officielles. Je n’ai pas encore eu de la chance d’aller en France mais je sais que cela arrivera un jour avec la possibilité de travailler dans la haute couture mondiale.

Cependant, je rencontre aussi des difficultés à cause de certains préjugés négatifs attachés au métier de mannequin. En tant que professeure, il y a toujours certaines attentes concernant ma façon de m’habiller et de me présenter devant les autres. C’est aussi très fatigant de mener cette double vie car je travaille chaque jour sans avoir vraiment le temps de me reposer.

Grâce à mon amour de cette langue, j’ai été en mesure d’encourager plusieurs personnes à l’apprendre. Dans ma famille, cinq d’entre nous parlons le français en plus de notre langue maternelle, le dholuo, et de nos langues nationales, le swahili et l’anglais

Le français, première langue étrangère au Kenya

Mon lien avec le français a vraiment eu lieu au lycée mais j’avais déjà eu de la chance de connaître quelques mots grâce à ma sœur ainée qui l’apprenait à l’école secondaire quand j’étais en primaire. Cela me fascinait de l’entendre parler cette langue ! Je la trouvais très « cool » et c’est à ce moment-là que j’ai décidé de l’apprendre plus tard. Cette langue m’a vraiment passionnée et la prof que j’ai eue durant ma scolarité me l’a fait aimer encore plus. J’adorais sa façon d’enseigner. Elle était très amusante et les cours étaient toujours vivants et faciles à comprendre. C’est alors que j’ai décidé que je deviendrai enseignante de français et, grâce à Dieu, j’ai eu la chance de poursuivre mes envies !

Pour moi le français est comme mon amour. Je l’aime trop et je l’utilise parfois avec mes amies, mes collègues et ma famille. Je préfère lire et regarder des films ou des émissions en français. Je me suis fait beaucoup d’amis grâce à cette langue. Il arrive qu’on me demande si je suis « naturellement » francophone car les gens sont impressionnés par le fait que je peux m’exprimer aisément en français. J’aime la culture française et tout ce qu’elle offre. Grâce à mon amour de cette langue, j’ai été en mesure d’encourager plusieurs personnes à l’apprendre. Dans ma famille par exemple, cinq d’entre nous parlons le français en plus de notre langue maternelle, le dholuo, et de nos langues nationales, le swahili et l’anglais. Même mon petit garçon, il le comprend un peu car j’essaie de le parler avec lui.

Au Kenya, le français est la première langue étrangère, apprise par environ 40 000 élèves au lycée. Beaucoup d’écoles privées le proposent dès la primaire.

Au Kenya, outre les deux langues officielles, nous avons aussi d’autres langues parlées par différents tribus, la plus pratiquée étant le kikuyu, suivie par le dholuo puis le luyia. Le français est la première langue étrangère, apprise par environ 40 000 élèves au lycée. Beaucoup d’écoles privées proposent le français dès la primaire. Dans mon école par exemple, le français est obligatoire jusqu’à la 10e année où les élèves ont le choix de continuer à l’apprendre ou non. À Oshwal, près de la moitié des élèves le font. Nous avons aussi d’autres langues enseignées comme l’allemand, le chinois, le gujarati et l’hindi (deux langues indiennes) mais c’est le français qui domine.

Ainsi la place du français au Kenya est une évidence. Nous avons 28 universités publiques et privées et aussi 20 instituts supérieurs techniques qui proposent des cours en français professionnel. L’ambassade de France joue un grand rôle dans cette promotion, notamment via un programme de formation qui profite à 12 écoles pilotes de Nairobi, dont Oshwal Academy, et à 6 écoles de Mombasa. Le premier samedi de chaque mois, nous les professeurs de français sommes invités à suivre une formation pédagogique de 3 heures où nous recevons des outils d’amélioration de notre enseignement. Personnellement je profite beaucoup de ces formations utiles, pratiques et très enrichissantes. Alors merci à l’ambassade de France pour son soutien, et vive le français au Kenya ! »

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