L’incroyable histoire du pluriel des noms composés

Posté le par le français dans le monde

Dans le contexte de crise actuelle liée à l’épidémie de coronavirus, votre revue a décidé de mettre chaque jour en ligne, depuis le 20 mars – journée de célébration de la francophonie – et tous les jours à midi, un article du « Français dans le monde » en libre accès. Aujourd’hui, la rubrique MNÉMO, à retrouver dans le numéro 428 de mars-avril 2020. À la fin cette fable grammaticale de notre chroniqueur Adrien Payet, la fiche d’exploitation pédagogique et le fichier audio en lien avec cet article sont à télécharger. Bonne lecture (et bon courage) à toutes et tous !

On ne choisit pas d’être un nom composé, on le devient ! Voici leur histoire. Certains mots qui s’aimaient beaucoup ont décidé de vivre ensemble pour toujours, c’est le cas par exemple de Ma et Dame, devenus Madame ou de Bon et Jour devenus Bonjour. D’autres n’ont pas eu cette chance. Vous seriez impressionnés de connaître le nombre de divorces dans le monde des mots ! Ainsi de porte-monnaie, sèche-cheveux, tire-bouchons et des centaines d’autres devenus deux noms séparés par un tiret (appelé ironiquement un trait d’union). Entre les couples de noms, de verbes, d’adjectifs et autres couples mixtes, cela faisait beaucoup de nouveaux mots à accorder. « S » allait avoir beaucoup de travail…

Grand Ordonnateur : S, j’ai un service à te demander. De plus en plus de noms sont devenus composés. J’aimerais que tu marques leur pluriel.

S : Aux deux parties du mot ? À chaque fois !

Grand Ordonnateur : Oui, ça serait le plus simple…

S : Impossible ! J’ai trop de travail avec les noms simples, je ne vais pas apparaître deux fois dans les noms composés !

Grand Ordonnateur : Tu pourrais faire un effort…

S : Quand est-ce que je me repose, moi ! Vous voulez m’assassiner ou quoi ?! Regardez, rien que dans ce mot « assassiner » j’apparais 4 fois !

Avant même que le Grand Ordonnateur n’ait ouvert la bouche, S était parti en claquant la porte avant de s’enfermer chez lui. Mais S avait un défaut, il était vaniteux. Il aimait qu’on lui fasse des compliments. Des adjectifs passent devant sa maison et chuchotent des gentillesses derrière la porte.

S, tu es sage, sociable, savant, sexy !

C’est vrai, S tu es tellement Super !

Tu es la meilleure lettre de l’Univers !

S ouvre la porte et remercie les adjectifs. Quelques minutes plus tard des verbes débarquent en l’invectivant.

S, sors de ta maison ! Sois responsable ! Retourne au travail espèce de fainéant !

Les adverbes aussi lui parlent méchamment.

Vite ! Tu as assez fait de problèmes ! C’est un non-sens !

Les verbes et adverbes mettent S de mauvaise humeur. Il fait sa séance de yoga (S est très souple !) puis va chez le Grand Ordonnateur. À l’entrée du Grand Palais, il croise les Noms savants : Tragi, Anti, Micro, etc. S ne les aime pas, il les trouve ridicules.

Micro : Enfin, vous rentrez dans le droit chemin.

Tragi : Pas besoin d’être un savant pour comprendre que chaque lettre doit rester à sa place.

S : Sans mon S en début de mot vous n’êtes qu’un « avant » !

Puis S entre dans le bureau du Grand Ordonnateur et dit : J’accepte votre demande, mais j’ai mes conditions. Je veux bien marquer le pluriel des noms et des adjectifs. Ils ont toujours été gentils et loyaux avec moi. Mais je refuse de marquer le pluriel des verbes, des adverbes et de ces clowns d’éléments savants !

Le Grand Ordonnateur : Vous ne trouvez pas cela un peu compliqué !

S : Je trouve cela très bien ! C’est mon dernier mot, sinon je refais grève immédiatement !

Le Grand Ordonnateur : Bon, j’accepte vos conditions. Vous marquerez le pluriel des noms composés de deux noms comme auteurs-compositeurs, de deux adjectifs comme faux-semblants et d’un nom et d’un adjectif comme grands-parents.

S : Parfait. Mais quand il s’agit d’un verbe et d’un nom comme « porte-avions » je ne marque le pluriel qu´au nom, pas au verbe !

Le Grand Ordonnateur : Et que fait-on pour les noms composés contenant une préposition ? Par exemple Arc-en-ciel ou Chef-d’œuvre ?

S : Ce sont des mots magnifiques, c’est vrai ! J’accepte de marquer leur pluriel, mais uniquement du premier nom. Il faut bien que je me repose un peu…

Le Grand Ordonnateur : Très bien. Veuillez signer ici. C’est un contrat où vous vous engagez à marquer le pluriel selon cet arrangement et surtout à ne pas refuser de travailler en restant cloîtrer chez vous !

S : D’accord, mais j’aimerais qu’on indique que plusieurs exceptions peuvent exister.

S signe le document puis sort de la pièce. Au dernier moment le Grand Ordonnateur l’appelle.

Le Grand Ordonnateur : Ah, j’oubliais… Que fait-on pour des mots composés étrangers qui ont été francisés, comme week-end, chewing-gum, etc.

S : J’accepte de marquer le pluriel mais seulement à la fin ! C’est parce que je vous aime bien, « Big » Ordonnateur !

Le Grand Ordonnateur se dit qu’il devrait sans doute être un peu plus sévère. Mais bon… S était revenu et c’était là une excellente nouvelle. La grammaire pouvait à nouveau fonctionner normalement. Avec ses complexités, certes, mais n’était-ce pas cela qui faisait son charme ?

 

ASTUCES MNEMOTECHNIQUES :

Le pluriel s’applique aux deux mots pour les noms composés de deux noms, deux adjectifs ou d’un nom et d’un adjectif (ex : les bateaux-mouches)

 

Pour les noms composés contenant un ou deux verbes, le verbe est invariable (ex : des tire-bouchons)

 

Les éléments savants sont invariables (micro-ordinateurs), les adverbes également (les avant-premières)

 

Si le nom composé contient une préposition, seul le premier nom se met au pluriel (ex : les-arcs-en-ciel)

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