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Offres d’emploi et langues

Posté le par admin

Par Dalila Morsly

Si, comme nous l’avons indiqué dans notre contribution précédente, les offres d’emploi publiées dans la presse algérienne donnent une idée de la place des femmes dans le monde du travail et de l’évolution de la féminisation des noms de métiers, elles sont aussi le reflet de la situation sociolinguistique de l’Algérie dans la mesure où elles sont un indicateur de la place qu’occupent les langues dans le monde du travail ainsi que des dynamiques linguistiques en cours1.

Un bon nombre d’offres d’emploi exigent la connaissance :

– d’une langue particulière : le français, le plus souvent, ou l’anglais ;

– de deux langues : français-anglais /arabe-français ;

– de trois langues : arabe-français-anglais / arabe-français-kabyle /.

Les combinaisons français /anglais ou arabe-français-anglais sont les combinaisons les plus demandées ce qui place le français en première position et l’anglais en seconde position parmi les langues requises dans le monde du travail notamment pour les professions liées, par ordre de fréquence, au commerce et à la finance, à l’administration et à la gestion des entreprises, à l’informatique enfin. L’arabe semble moins souvent exigé et rarement dans ce type de professions. Faut-il en déduire que l’arabe est moins utilisé dans le monde du travail ? Ou que son statut de langue première de scolarisation implique, aux yeux des annonceurs, une maîtrise évidente, qu’il est donc inutile de préciser ? La connaissance du kabyle est « souhaitée » dans de rares annonces : à propos, par exemple, du recrutement2 « d’un(e) téléopérateur/trice » par un centre d’imagerie médicale qui reçoit, probablement, une clientèle susceptible de parler kabyle. Le niveau requis en langues et le type de compétences attendus sont souvent spécifiés par des formules évaluatives : bonne maîtrise, maîtrise parfaite, parfaitement bilingue, très bonne élocution, sachant bien écrire, bon niveau, très bien, etc.

On voit aussi apparaître, dans des annonces en français, des néologismes comme orientaliste qui désigne une femme spécialisée dans la confection de pâtisseries traditionnelles ou briochard « spécialisé dans la fabrication des brioches » : « cherche excellent pâtissier-briochard ». Le mot, avec ce sens, n’est pas attesté dans le Petit Robert ; il est signalé sur Internet et désigne plutôt des hommes « qui ont de la brioche ».

La presse arabophone qui, de façon générale, présente un nombre moins important d’annonces recourt souvent à l’alternance arabe-français comme le montrent les exemples suivants. Le texte de l’annonce est rédigé en arabe (traduit par nous) tandis que le métier est donné directement en français ou encore transcrit en caractères arabes.

– Atelier de couture recherche Surjeteuse Piqueuse ;

– Société d’importation de pièces détachées de voiture cherche un (agent de facturation) ;

– Atelier recherche (tu :rnu :r – tourneur) ;

– Recherche une sikriti :ra (« secrétaire ») ;

– Recherche mi :ka :ni :ki (« mécanicien ») : spécialisé dans (la suspension) ;

– Restaurant cherche jeune ayant une grande expérience de (plongeur).

La mise entre parenthèses permet de donner au nom de métier plus de visibilité. Le recours au français indiquerait que les noms de métiers techniques sont plus connus en français qu’en arabe. Quant aux emprunts au français transcrits en arabe comme sikriti :ra (l’équivalent arabe ka :tiba se rencontre aussi) ou mi :ka :ni :ki :, ils sont bien intégrés à l’arabe dialectal. Ainsi transcrits, ces noms sont, sans doute, pour les employeurs, plus facilement identifiés ou repérés par les chercheurs d’emplois.

Les petites annonces constituent, donc, un type de discours qui rend compte des pratiques bilingues et alternantes, de la hiérarchie des langues dans le monde du travail (le français et l’anglais, dans une mesure moindre, pour les professions valorisées ; l’arabe pour les « petits métiers », souvent précaires) ; des représentations qui influent sur le choix du journal, sur la mise en texte de l’annonce ; d’une certaine tendance à la néologie qui atteste le plus souvent d’une resémantisation de termes français.

1- Nous avons examiné pendant un mois pour le français deux quotidiens et un site spécialisé ; pour l’arabe trois quotidiens.

2- L’annonce est ainsi rédigée.

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