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« Il y a mille inventions pour faire parler les femmes » : épisode 1

Posté le par le français dans le monde

Parfois, il vous arrivait d’y penser. Alors, votre bouche devenait sèche, vos mains tremblaient légèrement, et malgré l’envie de conserver la face devant les collègues, vous sentiez le vide se faire dans votre esprit – peut-être même quelques sueurs froides.

Vous vous faisiez tout petit, mais cela a fini par arriver : on vous a demandé d’assurer le cours d’oral niveau A1. Devant vous, une dizaine d’étudiants et une seule attente : parler en français. Voient-ils l’angoisse au fond de vos yeux ? Parler, oui, mais sont-ils déjà capables de se faire comprendre ? Qui plus est, avec d’autres à l’accent étranger ? Et comment apporter une correction à chacun ? « Il y a mille inventions pour faire parler les femmes, mais aucune pour les faire taire », écrivait G. Bouchet en 1634. Mille pour les femmes ! Alors pourquoi pas au moins la moitié pour nos étudiants ?

Pas de bonne ambiance, pas de parole. Bien sûr, vous avez testé l’astucieuse présentation mensongère suggérée dans « La leçon zéro » (billet du 3 mars 2011). Mais vous aimez varier les plaisirs. Je vous convie donc à la table d’un formateur en prise de parole et gestion du stress en entreprise. Votre chère classe de FLE, comparée à une entreprise – qui plus est, stressée ? Et pourtant.

Si vos étudiants sont là, c’est parce que quelqu’un – eux-mêmes ou un enseignant – a estimé qu’ils en ont besoin. Besoin, pour certains, accompagné d’une dose d’appréhension. Pour mettre en confiance les débutants, je demande de se lever au milieu du « U » des tables, là où un espace permet la circulation. Si le groupe est impair, je participe. On marche en tous sens. Au premier « Top ! » que je prononce, chacun doit trouver quelqu’un à regarder droit dans les yeux. Puis l’on reprend la marche. L’opération se répète à un rythme soutenu. Les rires fusent rapidement, car le contact visuel recherché ne répond pas toujours à l’appel.

Deuxième étape : au « Top ! », les étudiants doivent établir cette communication visuelle, mais aussi saluer poliment. On aura précisé au préalable les différentes possibilités (« Bonjour Monsieur », et l’exquise nuance entre « Madame » et « Mademoiselle »).

Troisième étape : au chiffre énoncé correspond une action à faire en chœur. Par exemple, si l’enseignant dit : « 1 ! », tout le groupe doit sauter en même temps. A « 2 ! », ils se saluent en chœur. À « 3 ! » : « Enchanté(e) ! ». « 4 ! » : il faut taper dans ses mains en même temps. Attendez-vous à de faux départs. Mais bientôt, la synchronisation est là.

Dans ces trois étapes menées très rapidement, plus que l’aspect linguistique, c’est l’échange communicationnel et la dynamique de groupe qui importent.

 Enfin, on forme un cercle. Un étudiant s’avance au milieu et annonce très fort une phrase, n’importe laquelle – par exemple : « Je suis coréenne ! » : tous les autres l’applaudissent et l’acclament. Confiance en soi à l’oral assurée. La phrase est libre, et fera tout au plus l’objet d’un ajustement de prononciation. Faites-en l’expérience : être acclamé par un cercle de personnes autour de soi procure une intense sensation de bien-être.

Vous aussi, testez ces inventions et revenez en commenter le résultat. Tout est bien sûr à essayer, adapter, modifier – en cours d’oral, brise-glace ou fin de cours pour remédier à une grosse fatigue. Un grand merci au formateur d’avoir partagé ses ficelles. Et vous, quel Géo-Trouvetou êtes-vous pour faire parler les femmes… et les hommes ?

Rendez-vous le 20 février pour l’épisode 2 !

Un grand merci  à Blaise de Lanlay d’avoir partagé ses ficelles.

Laurence Audy Samaniego, enseignante à l’Alliance Française Paris Île-de-France

 

3 commentaires
  1. Je suis tout à fait d’accord. Le fait de bouger son corps et complètement désinhibant en cours de langue ! Ces techniques me font penser à celles d’une collègue qui a aussi fait beaucoup de théâtre. Mais moi, je n’en ai jamais fait, alors j’aime bien commencer par un truc appris d’une formatrice : je leur demande de se ranger par taille de pieds, des plus petits aux plus grands. Ou alors, je leur demande de faire des groupes par couleurs d’yeux. Tout simplement ! D’abord, ils sont surpris, puis obligés de se concentrer sur quelque chose qui n’a rien à voir avec la langue. Ils rient aussi beaucoup, et après avoir rempli un objectif pareil, ils n’ont plus peur d’aller les uns vers les autres. Bonne ambiance garantie !

  2. Laurence Audy Samaniego

    Merci Carole pour cette invention insolite, mais parfaite pour les niveaux débutants. Elle vient enrichir notre cartable à tous. Il me tarde d’avoir l’occasion de l’expérimenter…

    Plus que 998 autres inventions pour remplir notre cartable. Nous attendons vos commentaires !

  3. Mon brise-glace favori de début de session: les faire quitter les tables derrière lesquelles ils se réfugient puis se placer au centre de la salle pour circuler et se poser quelques questions.
    Je leur demande de se poser une question puis de se ranger en cercle, dans l’ordre alphabétique/croissant de leur réponse. A chaque nouvelle question, un nouveau cercle se forme. De cette façon, tout le monde peut se voir et apprendre à se connaître sans être coincé en position assise face au tableau ou au TBI.
    Le prénom, l’âge, la nationalité, le plat/la ville/l’animal préféré(e)… (à épicer selon le niveau des étudiants). Trois ou quatre questions suffisent à dynamiser le début du cours.
    Une question qui ne manque pas de détendre l’atmosphère est celle de l’âge: il y a toujours une femme qui n’ose pas dire son âge véritable et se retrouve entre deux étudiants de 23 et 28 ans alors qu’on l’aurait plutôt placée au-dessus de 40…

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