Etonnante francophone : Christine Igot en Nouvelle-Ecosse
Article écrit par Sarah Nuyten
J’adore monter sur mon petit tabouret, sonner la cloche et annoncer les nouvelles !
À chaque numéro, le témoignage d’une personnalité́ marquante de l’émission Destination Francophonie de TV5MONDE présentée par Ivan Kabacoff. Aujourd’hui, Christine Igot, crieuse publique à Annapolis Royal, en Nouvelle-Écosse (Canada), dont les engagements personnels et professionnels sont depuis toujours marqués par le français.
C’est à Halifax, Nouvelle-Écosse, que je suis née le 3 août 1961. Mes parents sont anglophones d’Angleterre et ont immigré au Canada en 1956 : je n’ai donc aucun lien familial avec la langue française, que j’ai commencé à apprendre à l’école secondaire. Mon amour pour le français est né au laboratoire de langues du lycée, en écoutant Le Petit Prince. J’ai toujours eu une bonne oreille et j’imitais bien l’accent du narrateur. Mon professeur me demandait de lire à haute voix dans la classe, cela me plaisait beaucoup. Un enseignant encourageant peut jouer un rôle déterminant dans la vie d’un élève : je ne l’ai jamais oublié par la suite, durant ma propre carrière de prof de français.
J’ai entrepris des études universitaires de français à l’Université Sainte-Anne, qui est la seule université de langue française de Nouvelle-Écosse. Après ma première année universitaire, j’ai passé deux ans à Moroni, aux Comores, en tant qu’enseignante d’anglais pour l’Entraide universitaire mondiale du Canada (EUMC). J’ai ensuite entrepris une maîtrise de langues modernes et j’ai commencé à enseigner le français à l’Université Sainte-Anne. Ma carrière d’enseignante a durée presque 25 ans. En 2012, alors âgée de 50 ans, j’ai déménagé à Annapolis Royal, où j’ai ouvert un petit magasin d’antiquités que j’ai tenu pendant 7 ans avec ma sœur.
Raconter notre passé aux visiteurs et aux citoyens
Je suis devenue crieuse publique en 2022 : l’ancien crieur avait pris sa retraite après 20 ans de services et la ville cherchait quelqu’un pour le remplacer. J’ai fait la demande et il y a eu une compétition, car nous étions deux en lice. C’est moi qui aie été retenue. J’avais vraiment envie de raconter notre passé aux visiteurs et aux citoyens. Annapolis Royal est une petite ville, mais elle a joué un rôle crucial dans l’histoire de notre pays: c’est ici qu’a débuté la colonisation européenne. Être crieuse me permet de transmettre cela. Mes proclamations ne durent que deux ou trois minutes, mais je passe le reste de la matinée sur place et je réponds aux questions des visiteurs, je leur montre la carte de la région, je leur explique l’importance de ce lieu dans l’histoire du Canada… J’adore encourager les gens à en apprendre plus sur ce pan méconnu de notre histoire.
Le fait de parler français me fait me sentir très canadienne dans ce pays officiellement bilingue. Cette maîtrise de la langue a dessiné ma carrière de prof, mais elle me permet aussi de lire et de regarder des films en français, de communiquer avec ma belle-famille, car j’ai épousé un Français ! Parler français, c’est également être en mesure d’échanger avec les touristes francophones qui viennent à Annapolis Royal et mieux comprendre le parcours des premiers Français qui sont arrivés ici en 1605. Le français m’offre aussi la possibilité de travailler avec le comité de jumelage avec la ville d’Annapolis Royal : nous sommes jumelés avec la ville française de Royan, où est né Pierre Dugua de Mons, le marchand-explorateur qui a fondé le lieu historique l’Habitation, à Port-Royal, en 1605. La délégation du jumelage de la ville d’Annapolis Royal est d’ailleurs invitée à Royan en octobre prochain et je compte bien aider à la préparation de ce beau voyage.
Je pense être la seule femme crieuse bilingue au Canada. Tout me plaît dans cette mission ! Je me considère comme une ambassadrice de la ville. Entre mai et octobre, je passe chaque samedi matin au marché, avec des proclamations à 10h et à midi, où je raconte les événements du weekend. Je suis également présente aux cérémonies officielles, je mène les défilés dans la ville pendant l’été et à Noël. Je ne suis pas du tout timide, cela vaut mieux quand on est crieuse! J’adore monter sur mon petit tabouret, sonner la cloche, annoncer les nouvelles, raconter des histoires, faire des blagues et observer la réaction des gens. Ils rient, ils applaudissent, c’est très agréable. Un vrai one-woman show ! Il y a les visiteurs surpris et amusés, mais j’ai aussi mes ‘fans’, des habitants de la ville qui viennent tous les samedis pour m’écouter. Il faut savoir que je ne délivre que de bonnes nouvelles, jamais rien de triste ou de désagréable : de nos jours, c’est un vrai bonheur !