Label Qualité FLE : une démarche payante mais exigeante

Posté le par le français dans le monde

« Qualité FLE » est un label d’État, reconnu en France et à l’étranger. Signe de compétence et de reconnaissance professionnelles, il officie désormais souvent comme un sésame pour se maintenir en bonne place dans un secteur de plus en plus concurrentiel, avec la contrainte, aussi, de devoir toujours se conformer à ses exigences.

Par Sophie Patois

Avec le label « Qualité FLE » créé par décret ministériel le 28 décembre 2007, les écoles, universités ou associations qui dispensent des cours de français langue étrangère sur le territoire français ont à disposition un moyen d’afficher la valeur, voire l’excellence de leur offre (voir aussi FDLM 445, p. 28). Ce n’est pas le seul : il s’ajoute à d’autres labels comme celui de l’Alliance Française, la charte « Qualité ADCUEFE » ou encore « Bienvenue en France » de Campus France. Mais les 120 centres actuellement labellisés Qualité FLE (45 ayant reçu un double label : Qualité FLE ainsi que la certification « Qualiopi », qui permet de bénéficier des fonds publics de la formation professionnelle) peuvent ainsi se targuer de respecter les règles de « bonne conduite » mises en place par France Éducation International (FEI, anciennement CIEP), l’opérateur en charge du dispositif dès le lancement du projet en 2006.

« Le label est un outil de pilotage qui permet d’aider à structurer les activités et un outil pour valoriser le métier »

Pour entrer dans le cercle des organismes distingués par ce label, une condition sine qua none avant de candidater : correspondre aux critères de recevabilité, entre autres dispenser des cours de FLE depuis au moins trois ans consécutifs… Une façon d’indiquer d’emblée le caractère professionnel de l’approche. Le label est accordé pour quatre ans (trois ans pour le double label) et le renouvellement n’est pas automatique : il faut reconstituer entièrement le dossier. « Le label a été créé par la profession et pour la profession, indique Caroline Mouton-Muniz, cheffe de projet label Qualité FLE à FEI. Un comité scientifique piloté par Claude Le Ninan, maître de conférences à l’université de Franche-Comté, a rédigé le référentiel qui sert de base à la grille d’auto-évaluation et à l’audit. C’est un outil de pilotage qui permet d’aider à structurer les activités et un outil pour valoriser le métier. C’est aussi un soutien de la politique publique et de la francophonie. »

Et pour faire rayonner la langue française dans le monde entier, pourquoi ne pas commencer par l’Hexagone… Chaque année, la France accueille 140 000 apprenants en FLE (chiffres FEI, 2017) dont 60 % sont des étudiants dans l’enseignement supérieur. Le label Qualité FLE est un des moyens mis en place pour faire correspondre la demande des apprenants à l’offre des écoles et organismes dispensant des cours de FLE dans un cadre de références économiques et sociales de plus en plus communes pour les uns, normalisées pour les autres…

Une procédure exigeante

Pour les organismes qui se portent candidats, renforcer son attractivité en figurant notamment dans le Guide des centres labellisés Qualité FLE demande en effet un vrai investissement. « C’est une procédure exigeante », reconnaît Caroline Mouton-Muniz. Avant que les dossiers arrivent sur le bureau de la commission interministérielle (présidée par la directrice pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle et composée de représentants du ministère de la Culture et du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères) qui se réunit une fois par trimestre, tout un processus se met place. D’abord les candidats doivent remplir la grille d’auto-évaluation dans les cinq domaines répertoriés par le référentiel : formations et enseignement; enseignants ; accueil, accompagnement; locaux, sécurité, équipement; gestion. Et répondre ensuite aux questions éventuelles des deux auditeurs mandatés pour vérifier les données communiquées. (Voir témoignage.)

« Dans les critères à respecter, accompagner des enseignants dans leur évolution professionnelle (plan de formation, entretiens annuels) est essentiel »

« C’est compliqué car il faut fournir beaucoup de documents, résume Anne Lapeyre, directrice d’ELFE, une école parisienne doublement labélisée. Il a fallu s’habituer à tout enregistrer, à expliquer les procédures… Notre école a été labellisée dès 2008. Au début, il y a eu beaucoup de résistance de la part de l’équipe enseignante. Les formateurs disaient que l’on rentrait dans un système qui cherchait à uniformiser alors que le profil de notre école c’était le “sur-mesure”. Cela dit, je crois que cela a renforcé l’esprit d’équipe. Et cela permet de mieux cadrer les choses, par exemple le passage d’un niveau à l’autre, qui est moins aléatoire. Le cadre de référence fait autorité. »

Un cadre qui permet aussi de rendre moins opaques les conditions d’exercice du formateur de FLE. « L’enseignant est au cœur du processus, souligne Caroline Mouton-Muniz. Nous sommes attentifs à la procédure de recrutement, au fait que les formateurs ont des contrats en bonne et due forme, qu’il y a bien une équipe de permanents avec, selon la taille des centres, au moins un CDI, une coordination pédagogique, etc. Nous n’avons pas voulu imposer de diplômes particuliers type Master pour les enseignants, afin de ne pas défavoriser les enseignants compétents déjà en poste mais dont certains aux profils atypiques. Dans les critères à respecter, l’accompagnement des enseignants dans leur évolution professionnelle (plan de formation, entretiens annuels) est essentiel, tout comme le respect du CECRL bien sûr. »

Un label incontournable ?

Si le label nécessite aussi un investissement financier (de 1600 à 3500 euros environ selon le chiffre d’affaires du Centre), la démarche qualité semble aujourd’hui entrée dans les mœurs et une garantie bénéfique à bien des égards. « Au fur et à mesure, Qualité FLE est devenu de plus en plus incontournable, reconnaît la directrice d’ELFE. Il est connu à l’étranger, les entreprises le demandent. Pour certains appels d’offres il est obligatoire de l’avoir. C’est la même chose pour la certification Qualiopi exigée par exemple pour les formations inscrites dans le cadre du Compte personnel de formation. En 2020, FEI a fait un double label Qualité FLE / Qualiopi pour les écoles déjà labellisées FLE. »

Anne Lapeyre nuance toutefois : « Nous avons certainement amélioré la qualité en nous formant à formaliser, mais souvent au prix d’un grand stress. Le double label tous les trois ans, je trouve cela un peu court. D’autant plus qu’il y a un audit de surveillance à mi-parcours. Au fil des audits, l’attention se porte de plus en plus sur la satisfaction du client. Répondre aveuglément au désir du client cela me paraît compliqué et pas forcément raisonnable ! Il y a dix ans, la pédagogie me semblait plus au centre. Cela dit, il est incontestable que le label est un bon argument de vente et on ne peut plus s’en passer, surtout lorsqu’on travaille dans un contexte européen. »

Pour en savoir plus : https://www.qualitefle.fr/


Frédéric Haeuw, auditeur Qualité FLE : « Notre mission consiste aussi à mesurer le degré d’investissement »
Docteur en Sciences de l’éducation et consultant indépendant, Frédéric Haeuw a été recruté il y a sept ans comme auditeur pour le label Qualité FLE et fait partie des 43 auditeurs répertoriés actuellement. « Dès mon recrutement, j’ai bénéficié d’une formation initiale de deux jours. Tous les ans, nous sommes conviés à un séminaire. Ce qui permet à la fois de suivre l’actualité du label et de rencontrer les autres auditeurs. Nous travaillons toujours en binôme pour effectuer un audit. À l’un est confié la partie plus pédagogique et didactique, à l’autre (ce qui est mon cas) l’aspect organisation de l’accueil, les locaux, la gestion y compris en ressources humaines. La procédure se déroule sur trois jours. Avec la pandémie, elle a été modifiée : au lieu de réaliser les trois jours sur place, nous avons seulement un jour en présentiel. Les documents fournis par le centre candidat sont à notre disposition quelques jours avant le début de l’audit. Les entretiens que nous faisons maintenant en partie en visio, viennent compléter ce que nous ne trouvons pas ou ce qui apparaît en creux dans les dossiers. Candidater pour le label est une démarche lourde. Nous voyons bien la différence quand la direction est “moteur” du processus et que toute l’équipe est bien impliquée. Autrement dit, quand le label est pris comme une colonne vertébrale de l’action tout au long de l’année et devient ainsi un processus d’amélioration en permanence. Cela correspond alors à l’esprit de la démarche de qualité. En revanche, si on s’y met trois mois à l’avance, c’est fastidieux et cela a peu de sens, comme l’étudiant qui révise la veille de l’examen… Notre mission consiste aussi à mesurer le degré d’investissement et si la démarche est bien partagée par l’équipe. Cela dit, le refus de label est assez rare, je n’ai jamais eu à le faire mais cela peut arriver ! Le double label Qualité FLE / Qualiopi a renforcé certains critères comme la nécessité de fournir des éléments statistiques sur les résultats aux examens. Les futurs inscrits doivent avoir connaissance du taux de réussite du centre qu’ils souhaitent intégrer. » n

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