« En donnant des cours de FLE, j’ai découvert ma grande passion : les apprenants »

Posté le par le français dans le monde

Avec la pandémie, Samira Baião Pereira e Mucci, 29 ans, a lancé des cours de français langue étrangère en ligne pour adultes qu’elle donne depuis Belo Horizonte, au Brésil. Elle propose aussi des capsules drôles et explicatives sur la culture française et les liens qui l’unissent à son pays.

Une rubrique « Vie de profs » à retrouver dans le numéro 445 (mars-avril 2022) du Français dans le monde. Propos recueillis par Anaïs Digonnet.


« Je n’avais jamais pensé à étudier le français, voire à parler français couramment, ni même songé qu’un jour je deviendrais professeure de français langue étrangère et que je serais passionnée par ce métier. Mais c’est bien ce qui me caractérise aujourd’hui ! Je suis née dans un petit village à l’intérieur de l’État du Minas Gerais, au Brésil. Mes parents n’ont pas fait d’études supérieures et ne parlent que le portugais, ma langue maternelle. Nous n’avons jamais quitté le Brésil donc je n’ai pas reçu une éducation tournée vers l’étude des langues ou même les voyages.

J’avoue que lors de mon premier contact avec la langue française, je ne savais même pas où cette langue était parlée dans le monde et où se situait la France, parce qu’au cours de mon cursus scolaire on parlait de l’Europe dans son ensemble, notamment à travers l’étude des deux guerres mondiales. C’est lors de mon entrée à la faculté de lettres de l’Université fédérale de Viçosa, un village à côté du mien, que j’ai commencé à suivre la matière « Introduction à la langue française » et à tomber amoureuse de la mélodie de cette langue.

Après deux ans à étudier le français, une professeure m’a invitée en 2014 à donner des cours de FLE à des étudiants en agronomie, architecture et génie mécanique. Comme j’avais besoin d’argent, j’ai accepté même si rétrospectivement, je ne sais pas comment j’ai fait… Quand on est jeune, on est bien plus courageuse ! En donnant ces cours de FLE, j’ai toutefois découvert ma grande passion : les apprenants, qui étaient tous curieux, motivés et intéressés. Dans ce cadre, j’ai aussi pu réaliser quelques voyages pour participer à des évènements liés au FLE, comme un congrès à Macapá, au nord du Brésil, pour lequel j’ai pris l’avion pour la première fois de ma vie. J’ai pu constater qu’il existait un important réseau dans le domaine du FLE à l’échelle de mon pays et cela m’a donné envie de poursuivre ma carrière dans ce secteur.

« J’avoue que lors de mon premier contact avec la langue française, je ne savais même pas où cette langue était parlée dans le monde et où se situait la France ! »

En 2017, j’ai obtenu mon diplôme de professeure de FLE en étant major de ma promotion, une distinction très importante pour moi et ma famille. J’ai ensuite débuté mon master au milieu duquel, en 2018, je suis allée en France, un rêve qui devenait réalité. Installée, pendant 8 mois, à Champigny-sur-Marne, en proche banlieue de Paris, j’ai travaillé dans trois établissements scolaires : deux lycées et un collège, où j’officiais comme assistante de langue portugaise. J’ai retrouvé ici une personne très spéciale pour moi : Camille, que j’avais connue au Brésil lors d’un stage de capoeira. Je tiens aussi à évoquer sa tante Anne-Marie, qui a été comme une seconde mère pour moi à Paris, et sa mère Brigitte, qui m’a accueillie chez elle à Brest et m’a appris beaucoup de choses, notamment sur la manière de bien goûter le vin.

Avec mon amie française Camille au Musée d’Orsay.

En tant que prof de portugais, enseigné comme langue étrangère, j’ai rencontré des apprenants de différentes nationalités – portugaise, camerounaise, indienne, congolaise – qui m’ont aidée à parfaire ma manière d’enseigner et ont validé mon choix de carrière. En France j’ai aussi vécu quelques moments difficiles. J’ai fait une dépression, peut-être à cause du froid, du manque de soleil et de la solitude, mais grâce à l’aide d’une psychologue, cela a été beaucoup mieux.

À mon retour au Brésil, en 2019, j’ai réussi un concours pour être professeure remplaçante à l’université où j’ai fait mes études et, à la fin de mon master, j’ai eu une des expériences les plus formidables de ma vie : j’ai pu donner des cours à des futurs professeurs de FLE au sein de cette même université. Je dispensais des cours de Langue française, de Culture et Civilisation françaises et de Stage de supervision en FLE. La discipline de Culture et Civilisation m’a permis de travailler les stéréotypes en classe, les conflits de la France avec l’Afrique, les processus de colonisation, et ainsi d’appréhender un autre côté de l’enseignement de la langue française, ce qui m’a aussi permis de reformuler l’enseignement eurocentré reçu pendant ma formation initiale.

« À mon retour au Brésil, en 2019, j’ai réussi un concours pour être professeure remplaçante à l’université où j’ai fait mes études et, à la fin de mon master, j’ai eu une des expériences les plus formidables de ma vie : j’ai pu donner des cours à des futurs professeurs de FLE au sein de cette même université »

Puis est apparue la pandémie de la Covid-19 et nous avons dû arrêter de travailler pendant quelques mois. Quand l’université a réussi à s’organiser pour rouvrir, les professeurs ont dû apprendre à donner des cours en ligne. Je ne l’avais jamais fait et je n’avais aucune idée de comment maintenir la qualité de mon travail. J’y suis arrivée grâce au Service de coopération éducative et linguistique de l’ambassade et des consulats généraux de France au Brésil, et aussi à l’aide d’IFprofs Brésil qui a ouvert un espace de rencontre pour la communauté brésilienne des professeurs de français. J’ai profité de leurs webinaires qui avaient pour but de nous accompagner pendant le confinement, notamment celui appelé « Concevoir et animer une classe virtuelle de FLE » animé par Lucia Claro, de l’Université fédérale de São Paulo. J’y ai appris presque tout ce dont j’avais besoin pour donner des cours en distanciel, un apprentissage dont je profite encore puisque je ne travaille plus qu’en ligne à présent !

Avec ma classe de FLE au CELIF (de l’Université fédérale de Viçosa), en 2015.

Après ces deux ans de master à l’université, j’hésitais entre poursuivre en doctorat ou enseigner dans des lycées, mais j’ai finalement décidé de travailler à mon compte. J’ai aussi commencé à poster des contenus liés à la langue française et aux cultures de langues françaises sur mon compte Instagram. Celui-ci m’a permis d’acquérir mes premiers élèves particuliers, jusqu’à ce que je ne puisse plus répondre à toutes les demandes… En août 2021, j’ai donc décidé d’ouvrir un petit groupe composé de 6 personnes niveau débutant, qui a tout de suite bien fonctionné. Le groupe est toujours le même depuis mais ses participantes ne sont plus du tout débutantes !

L’année suivante, j’ai décidé d’ouvrir un autre groupe et aujourd’hui, plus rien ne m’arrête et j’en compte 7. Ils sont composés de francophiles ou de Brésiliens qui veulent voyager, s’installer en France ou qui sont déjà installés ailleurs, comme au Portugal. Pour les animer, j’ai proposé à Malu, une étudiante de Lettres de l’Université fédérale du Minas Gerais, de travailler avec moi comme tutrice. Elle est chargée d’offrir des cours de soutien scolaire à mes apprenants, durant lesquels ils peuvent faire et corriger les devoirs, faire des activités et des exercices supplémentaires ou encore parler en français. C’est un format super sympa ! À tel point que j’ai recruté une seconde professeure, Arianny. En parallèle, je continue mes publications sur Instagram, où je mets en lumière ce qui lie culturellement le Brésil et la France, comme notre baguette – qui s’appelle le pão francês –, je fais des focus sur des points de lexique, des expressions ou encore la mode. J’ai aussi un partenariat avec l’éditeur CLE International qui m’envoie ses manuels didactiques que je trouve bien construits et dont je fais la promotion.

Quant à l’avenir, j’ai plusieurs projets : améliorer encore mon français, passer un DALF C1 ou C2, ouvrir une école de langue en ligne, faire un doctorat, retourner en France, offrir des cours à d’autres professeurs de FLE qui veulent entreprendre, faire des stages de formation… J’ai plein d’idées ! Une chose est sûre, ma devise est une phrase empruntée à Marie Curie, qui a donné le nom à un collège où j’ai travaillé en France : « Dans la vie, rien n’est à craindre, tout est à comprendre. »

—————

Une rubrique « Vie de profs » à retrouver dans le numéro 445 (mars-avril 2022) du Français dans le monde. Propos recueillis par Anaïs Digonnet.

Retrouvez-moi sur Instagram !

 

Un commentaire
  1. Je n’aurai jamais imaginé commencer étudier une nouvelle langue à 29 ans et aimer l’étudier plus en plus.
    C’est une sensation indescriptible que de pouvoir lire et communiquer avec les personnes qui parlent français. La sensation de liberté est incroyable.

    Merci beaucoup Samira pour ton cours. <3

Laisser un commentaire