« Je veux faire passer des messages en divertissant »

Posté le par le français dans le monde

À chaque numéro, le témoignage d’une personnalité marquante de l’émission de TV5Monde présentée par Ivan Kabacoff. Aujourd’hui, Ismaïl Sy, dit AllaDji Mougnan-Moungnan, artiste, comédien et coordinateur général de l’association Culture en partage, au Mali. Une rubrique « Étonnants francophones » à retrouver dans le numéro 444 (janvier-février 2023) du Français dans le monde.

Bandeau DF


Je viens d’une famille peule de Sikasso, la troisième région du Mali. J’ai dû me battre pour faire accepter l’idée que je voulais devenir comédien. J’ai d’abord dû faire mes preuves et gagner ma vie. J’ai travaillé pour l’entreprise familiale de boulangerie-pâtisserie, ensuite j’ai fait du forage pour donner de l’eau aux gens. Quand j’ai démissionné, vers 25 ans, ma famille ne pouvait plus rien dire, car ils ont vu que j’étais sérieux. J’ai su gagner ma liberté.

Et en 2017, je suis entré au BlonBa School, une école de spectacle très connue à Bamako. Je montrais mes écrits à mon premier professeur et mentor, l’acteur et dramaturge Hamadoun Kassogué. Même si c’était difficile, économiquement, je me suis formé sur le tas et j’ai appris à monter sur scène. Avec l’appui d’Hamadoun, mais aussi de l’écrivain franco-malien Jean-Louis Sagot Duvauroux, j’ai pu m’en sortir. J’ai donné mes premiers spectacles au BlonBa, j’ai eu notamment le rôle principal dans la pièce Kalach Story, qui a fait une tournée au Mali et en France, et joué dans une pièce d’Issouf Koné, Au nom du thé, du sucre et du grin, qu’on a donné en français et en bamanankan (la langue des Bamanans, un groupe social malien, qu’on appelle faussement le bambara).

« Quand j’ai démissionné, vers 25 ans, ma famille ne pouvait plus rien dire, car ils ont vu que j’étais sérieux. J’ai su gagner ma liberté »

Sur le tournage de « Destination Mali »

C’est avec l’association Culture en partage (https://cultureenpartage.org/), dont je suis le coordinateur général, que j’ai joué mes premières pièces. Elle s’occupe de tout ce qui est spectacle vivant mais aussi de littérature. Sur place, les jeunes peuvent faire du théâtre ou de la danse. On peut y monter un spectacle et le faire tourner à l’intérieur du pays. Avec la start-up We’re Solutions, on a aussi créé une application qui s’appelle BiBook : elle permet de lire gratuitement et d’acheter des livres. Les jeunes peuvent par exemple les télécharger ici, à la Maison des Solutions, puis les lire sans connexion.

La Maison des solutions, c’est le lieu qui abrite Culture en partage et We’re Solutions. On a vu que ces deux choses que sont la culture et les nouvelles technologies pouvaient aller ensemble. C’est vraiment un endroit dédié aux jeunes créateurs. Créer des sites internet par exemple, ou réaliser des films en réalité virtuelle. Pour ma part, je continue à écrire, à faire du théâtre, de l’humour, du cinéma aussi. Le problème reste le financement local, qui est surtout un problème politique. Mais les gens ont envie de voir des spectacles ! Et nos pièces sont conçues pour sensibiliser, informer, aider à aller dans un sens positif.

« A la Maison des solutions, les jeunes peuvent faire du théâtre ou de la danse. On peut y monter un spectacle et le faire tourner à l’intérieur du pays (…) On a aussi créé une application qui s’appelle BiBook, qui permet de lire gratuitement et d’acheter des livres. »

En tant qu’artiste, je veux faire passer des messages. J’aime bien dire aux jeunes que c’est le travail qui paie. On peut être jeune et faire du bien à soi et participer à la construction de la société. Je délivre aussi un message de paix : ce qu’on appelle au Mali la sinanguya, une tradition qui interdit aux différents groupes sociaux de se battre et de verser le sang. Pour mieux vivre ensemble et surtout accepter les autres. C’est la djatiguiya, autre tradition qui oblige les Maliens à accepter les étrangers qui viennent taper à leur porte. C’est un devoir d’accueil. Mais au Mali, ces valeurs sont en train de se perdre. Tout comme l’éducation des filles, qui est pourtant obligatoire dans la culture malienne ancestrale. Ce sont ces messages que je veux faire passer en tant qu’artiste, mais toujours en divertissant. C’est pour cela que dans mon nom de scène il y a Mougnan-Mougnan, qui veut dire « s’amuser » !

Retrouvez ISMAÏL sur Destination Mali et Destination Francophonie

Sur scène

 

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