« Le français reste la source de ma vie professionnelle et privée »

Posté le par le français dans le monde

À chaque numéro, le témoignage d’une personnalité marquante de l’émission de TV5Monde présentée par Ivan Kabacoff. Aujourd’hui, Kérya Chau Sun, conseillère auprès de l’Autorité nationale pour la protection du site et l’aménagement de la région d’Angkor (Apsara), au Cambodge. Une rubrique « Étonnants francophones » à retrouver dans le numéro 441 (juillet-août 2022) du Français dans le monde.

Bandeau DF


Avec la médaille de la Légion d’honneur.

« Parler français pour moi est inné depuis ma tendre enfance. En quelle langue me parlaient mes parents quand j’étais bébé ? En tous cas on avait toujours parlé la langue de Molière dans la famille. Mon père était haut magistrat et exerçait son métier dans les deux langues, khmère et française, jusqu’à l’indépendance du Cambodge, et même après, le français étant la seule langue étrangère pratiquée alors. Ma mère était institutrice et avait arrêté de travailler dès qu’elle s’était mariée, comme le voulait la tradition, mais elle continuait de lire les magazines français comme Femmes d’aujourd’hui et nous faisait découvrir ses lectures.

J’avais eu la chance de fréquenter le lycée français René-Descartes, où le khmer était enseigné comme deuxième langue, et la pratique du français depuis mon jeune âge m’a permis de m’imprégner de la culture française. Après l’obtention du baccalauréat en philosophie, mon père m’avait donné deux choix, soit avoir une voiture et continuer mes études à l’université au Cambodge, soit partir en France. J’ai évidemment choisi de découvrir la patrie des écrivains français qui peuplaient mes années lycéennes. Mon père voulait que je fasse droit mais j’ai choisi les lettres à l’université de la Sorbonne. Mes parents sacrifiaient tout pour les études de leurs enfants, et les derniers mots que mon père m’a dit, en français, quand il m’accompagnait à l’aéroport pour partir en France (où je ne savais pas que c’est la dernière fois que je le voyais), étaient : toutes les richesses matérielles que tu posséderas pourront t’être volées mais l’éducation que je t’ai donnée sera toujours avec toi. Cette leçon de vie m’accompagne à jamais…

« Mon père m’a dit, en français : toutes les richesses matérielles que tu posséderas pourront t’être volées mais l’éducation que je t’ai donnée sera toujours avec toi. Cette leçon de vie m’accompagne à jamais »

Sur le tournage de Destination Cambodge.

Traumatisée par la perte de ma famille, dont mes parents, et de mes sept frère et sœurs – nous ne sommes plus que trois –, j’ai décidé de revenir au Cambodge en 1995 pour participer à sa reconstruction, et pour rendre hommage à mes chers disparus. La redécouverte du patrimoine mondial d’Angkor a été cruciale dans ma nouvelle vie en tant que Cambodgienne et parler français est un atout énorme.

Les archives comme la majorité des documents sont en langue française et le Comité international de coordination (CIC) des travaux sur Angkor est présidé par la France et le Japon, l’Autorité nationale Apsara représente le Cambodge et je suis membre du Secrétariat permanent assuré par l’Unesco. J’ai été nommée point focal national auprès du Comité du patrimoine mondial de l’Unesco pendant une dizaine d’années. J’ai aussi participé à la création de la filière tourisme, tout en assurant un enseignement pendant vingt ans à l’université royale de Phnom Penh. J’ai pu ainsi former environ cinq cents étudiants qui occupent, aujourd’hui, des postes importants souvent parce qu’ils parlent français.

« Entre la France et le Cambodge, c’est une longue histoire d’amitié, même si le Cambodge a été un protectorat français pendant presque cent ans (1863-1953). N’oublions pas que l’un des fondateurs de la Francophonie (en 1970) était Sa Majesté Norodom Sihanouk »

Entre la France et le Cambodge, c’est une longue histoire d’amitié, même si le Cambodge a été un protectorat français pendant presque cent ans (1863-1953). N’oublions pas que l’un des fondateurs de la Francophonie (en 1970) était Sa Majesté Norodom Sihanouk. Certains mots cambodgiens sont issus de la langue française comme civilisation, qui a donné civilay en khmer, qui veut dire « civilisé », ou le mot patrimoine qui se dit en khmer péteskaphoan, dont la racine sanskrite pétes signifie « patrie ». Même si le français n’est plus la première langue étrangère au Cambodge, il reste indispensable dans les domaines de la médecine, du droit, de la technologie. Je parle plusieurs autres langues, mais le français reste la source de ma vie professionnelle et privée. »

 

Retrouvez KERYA sur Destination Cambodge et Destination Francophonie

A Angkor.

 

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