À 85 ans, Juliette Gréco publie un nouvel album de treize chansons : treize récits poétiques dédiés aux ponts de Paris et à ceux qui y vivent des amours et des naufrages, écrits par des écrivains et des créateurs de renom, chantés parfois en duo avec des personnalités de la chanson et du jazz. Avec son compagnon, Gérard Jouannest, Juliette Gréco décline toute une palette de sentiments de sa voix toujours aussi troublante. Au micro d’Isabel Pasquier.

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TRANSCRIPTION

Juliette Gréco – « Sur le Pont Mirabeau / Guillaume Apollinaire / revenait de la guerre / à sa tête un bandeau » – Isabel Pasquier – Ça se traverse et c’est beau / ce nouvel album de Juliette Gréco / c’est une déclaration d’amour poétique à Paris / on y entend battre le cœur de Paris et son sang qui coule sous ses ponts / avec sa voix chaude et grave / tantôt rieuse / tantôt sombre / la chanteuse existentialiste chante une géographie sentimentale / entre amour fou et désespoir / confidences de Juliette Gréco dans sa légendaire robe noire – J. G. – Ce sont des lieux de rencontre / des lieux de déchirement / des lieux d’amour et des lieux de mort / euh / euh voilà / on passe par-dessus un pont / on se jette à l’eau / ça existe / malheureusement / des enfants font ça / et puis ils ont une histoire / quand on dit Pont Mirabeau / c’est magnifique / quand on dit Pont Royal / c’est magnifique / quand on dit le Petit Pont / c’est / c’est absolument exquis / voilà / ils ont tous une histoire – I. P. – Certaines chansons de cet album sont comme des romans / souvent des romans d’amour / on a le sentiment par exemple que l’Homme du pont / c’est une histoire qui vous ressemble terriblement – J. G. – Ça aurait pu m’arriver tout à fait / cette idée de cacher des / des petits mots dans les buissons / cette idée de courir vers l’autre / ça arrive / je l’ai fait / bien sûr – I. P. – Là vous signez une chanson qui mêle mélancolie et inquiétude / avec une note d’espoir / c’est un peu votre manière de voir la vie – J. G. – C’est vrai que je suis une / une joyeuse désespérée / je peux être tout à fait désespérée mais / mais je suis aussi capable de beaucoup de bonheur / de beaucoup de joie / je m’amuse beaucoup / je ris beaucoup / ça permet de vivre – I. P. – Dans cet album Juliette Gréco s’est entourée de la délicate plume de Marie Nimier / de la plume insolente de François Morel / de l’écriture fiévreuse d’Amélie Nothomb / et elle s’offre des duos avec Melody Gardot / Marc Lavoine / Féfé / et une lecture de Guillaume Gallienne / Juliette Gréco préfère s’habiller avec les mots des autres / par pudeur / c’est dommage car la seule chanson qu’elle a signée dans cet album / Miroir noir / nous renvoie des reflets bouleversants – J. G. – « Où va-t-elle cette eau / la Seine / ma Seine / ma Seine / théâtre de mes larmes… »

LEXIQUE

Existentialisme : mouvement philosophique né au lendemain de la Libération, avec Jean-Paul Sartre comme chef de file, chantre du libre-arbitre individuel. L’existentialisme fut associé au quartier de Saint-Germain-des-Prés à Paris, haut-lieu de la vie intellectuelle et culturelle de l’époque, avec des rencontres entre philosophes, artistes, musiciens de jazz , écrivains : Sartre bien sûr, mais aussi Simone de Beauvoir, Boris Vian, Albert Camus, Jacques Prévert… et Juliette Gréco, qui fut surnommée alors la muse de l’existentialisme en ce qu’elle incarnait cet esprit de liberté qui soufflait sur Paris.

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