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L’IA pour repenser l’écriture

Posté le par Le français dans le monde

 

FDLM .460 - Dossier - Formation - septembre 2025 - par David Cordina

L’IA pour repenser l’écriture
On parle beaucoup de l’intelligence artificielle générative comme d’un outil pour les enseignants, capable de produire des textes adaptés, des exercices ciblés, des supports d’entraînement… Le français dans le monde a déjà traité régulièrement ces avancées techno-pédagogiques. On en parle moins du côté des apprenants, et encore plus rarement dans une perspective pédagogique qui les associe directement à l’usage de l’IA pour créer, rédiger, parler ou interagir.
La production écrite apprenante reste souvent perçue comme un espace protégé, voire à défendre contre l’intrusion de la machine. C’est compréhensible car la tentation est forte d’y voir d’abord une menace : celle de la triche, du plagiat, de l’injustice entre les élèves qui « jouent le jeu » et ceux qui délèguent à la machine. Nombre de professeurs repèrent très vite les textes suspects, trop parfaits pour le niveau du CECR étudié. Les productions écrites générées par IA envahissent les copies, discrètement mais sûrement. L’enseignant soupçonne, devine, parfois sanctionne. Mais peut-on continuer à faire comme si l’IA n’existait pas ? N’est-il pas temps, au contraire, d’intégrer cette nouvelle réalité dans la manière de concevoir et d’enrichir la production en classe de langue ?

IA par les apprenants : reconsidérer les instructions des tâches
Les usages des apprenants sont là, déjà installés. Ne pas les reconnaître, c’est probablement se condamner à une forme d’aveuglement pédagogique. Sans vouloir céder à la fascination technologique, ni reléguer l’effort et la créativité humaine au second plan, il s’agit de penser autrement les tâches finales, les projets, les activités de production. Cela suppose une remise en question, y compris des formes d’évaluation les plus traditionnelles, comme l’exposé, le devoir écrit ou la recherche documentaire. En d’autres termes, il faut créer des scénarii où l’IA a sa place, mais une place encadrée, critique, visible de la part de l’enseignant et de l’apprenant. Des scénarii où l’apprenant peut apprendre à apprendre et interagir avec un outil puissant sans lui céder toute l’initiative. L’objectif n’est pas d’interdire, ni de tout autoriser, mais de proposer des usages transparents, et espérons-le, pédagogiquement féconds.
Dans son ouvrage J’enseigne avec l’IA (Vuibert, 2024), l’enseignant d’histoire-géographie, Mickaël Bertrand, préconise de proposer des tâches engageantes qui sollicitent l’esprit critique, la créativité et la collaboration. L’IA devient ainsi un levier pour le professeur de repenser sa pédagogie, et surtout ses modalités d’évaluation. L’enseignant n’a pas à noter un résultat, mais à observer un processus : la manière avec laquelle l’apprenant dialogue, utilise ou détourne l’IA dans la rédaction de prompts et de leurs ajustements, la façon dont il questionne les premiers résultats sous différentes formes multimodales, les analyse, et s’en sert comme outil – et non comme substitut.

Prenons un exemple simple : selon la thématique du cours et la tâche demandée, l’enseignant peut tout à fait demander à un apprenant de formuler une requête, un prompt, à l’IA générative puis de lire la réponse générée, de l’analyser, de la commenter. Cette première étape constitue déjà une entrée dans l’apprentissage : elle engage la formulation, la lecture critique, la reformulation, le repérage des formes textuelles demandées et évidemment l’argumentation. Ensuite, suite à ses observations, l’apprenant réécrit le prompt, en expliquant les changements apportés, et compare les versions obtenues. Ce va-et-vient entre l’humain et la machine permet de mieux comprendre les mécanismes de génération automatique, les limites des modèles, mais aussi d’enrichir sa propre compétence linguistique.

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