Le français : une langue encore séduisante

Posté le par Le français dans le monde
Article écrit par Yvan Amar en accès libre - Extrait du n.459 Le français dans le monde. 

Comment la langue française est-elle perçue autour du monde ? Son évocation n’est pas la même dans des pays riches et industrialisés et des pays émergents ; là où le français est la langue de l’ancien colonisateur, et où elle n’a jamais eu de position dominante ; dans les pays qui ont des relations étroites avec la France, et ceux qui vivent loin de cette interactivité. Résultats d’une enquête IPSOS conduite à la demande de l’Institut français.

Bien sûr, l’image du français évolue avec le temps et l’histoire. Qu’en est-il aujourd’hui? IPSOS, institut spécialisé dans les enquêtes d’opinion, a donc conduit une investigation approfondie en deux vagues (février et septembre 2024) qui donne une idée de ce qu’évoque la langue française dans douze pays du monde : Allemagne, Arabie saoudite, Colombie, États-Unis, Maroc, Nigéria, puis Chine, Corée du Sud, Liban, Ouzbékistan, Pologne, Vietnam. Un large échantillon représentatif de la population a été interrogé (plus de deux mille personnes par pays) pour qu’on se fasse une idée de ce que pensent les habitants, selon leur âge, leur sexe, leur niveau social.

Une commande de l’Institut français
Cette commande de l’Institut français a donc pour but de dessiner le plus précisément possible les publics, et même les clients potentiels des établissements qui enseignent notre langue, en premier lieu les Instituts français installés à l’étranger (il y en a 100) et les Alliances françaises (843). Tout cela pour permettre d’affiner l’offre pédagogique en fonction des besoins, des désirs, des espérances, des moyens et des mentalités des apprenants : mieux comprendre à qui on s’adresse et à qui on pourrait s’adresser et ainsi accroître l’attractivité de la langue française. Mais aussi différencier les cibles selon les zones géographiques : les attentes ne sont pas les mêmes en Corée du Sud, en Chine et au Vietnam, alors que spontanément, on aurait tendance à associer les trois nations en fonction de leur localisation extrême-orientale.
Les pays concernés par l’étude se répartissent tout autour du monde, mais l’enquête a écarté ceux qui avaient le français comme langue officielle. Peu d’Afrique, pas de pays qui ont été soumis à une francophonie coloniale (excepté le Maroc, et à un degré bien moindre le Vietnam). L’étude concerne donc essentiellement des gens qui ne sont pas exposés au français dans leur vie quotidienne et qui sont peu susceptibles d’utiliser cette langue pour échanger avec leurs compatriotes : on s’intéresse à une langue qui permet de se tourner vers l’extérieur et l’étranger.
Cinq thématiques ont été abordées pour évaluer cette perception de notre langue: l’image de la France, l’utilité de la langue française, l’image de la langue française, les freins à l’apprentissage et la notoriété des institutions françaises. On voit donc bien que la langue dont il est question est celle de la France : c’est là qu’elle est née, c’est encore là qu’elle trouve sa norme et sa légitimation. il n’est nullement question de modes d’expression qui seraient propres à la francophonie, sensibles à des habitudes ou des influences nées hors de l’hexagone. Ce qui se comprend d’ailleurs aisément : la demande de français à l’étranger se tourne essentiellement vers son lieu d’origine, marqué par une longue histoire assez centralisatrice.

 

Une image diversifiée
Le résultat global est assez nettement positif : le tiers des personnes interrogées considère que la maîtrise du français est très utile et 25 % se déclare vraiment intéressé par l’apprentissage de cette langue. C’est plus que ce qu’on aurait pu imaginer !
Autre tendance surprenante, alors qu’on pouvait s’attendre à ce que l’image du français séduise les couches sociales les plus favorisées, c’est bien souvent le contraire : les « CSP – » (dans le jargon sociologique, les catégories socioprofessionnelles situées au bas de l’échelle – autrement dit les plus pauvres !) sont souvent plus séduites par la possibilité de maîtriser le français. Pas partout évidemment… mais par exemple au Nigéria ou au Maroc, c’est flagrant (36 % et 33 %).
Autre étonnement, ce sont les plus jeunes qui se déclarent plus intéressés que leur ainés (54 % et 50 % dans ces deux mêmes pays). Mais ceci s’explique assez logiquement: il s’agit de pays africains où une bonne partie de la jeunesse peut lorgner sur l’Europe et notamment sur la France en espérant des conditions de vie et une insertion professionnelle plus favorables. À cela s’ajoutent des considérations différentes pour ces deux pays: le Nigéria, pays « anglophone » (même si bien sûr tout le monde n’y parle pas l’anglais) est environné de pays « francophones » : Bénin, Togo, Niger, Cameroun, Tchad… Où tout le monde ne parle pas français mais où les activités commerciales sont très orientées vers cette langue. Quant au Maroc, il est assez lié à la France par son histoire passée et présente.
Avec la Chine, c’est une tout autre histoire : ce sont les moins jeunes et les plus aisés qui s’intéressent le plus au français : le tourisme n’y est pas pour rien et c’est l’un des motifs avancés. Alors qu’en Corée du Sud notre langue (comme l’ensemble des langues étrangères d’ailleurs) attire moins. Et pourtant elle a une singularité remarquable : elle reste associée à une certaine tradition des droits humains, et intéresse un fragment de population avide de nouvelles sur ce sujet. Et il semble bien que pour les Coréens les informations sur la vie démocratique, ses résistances ou parfois ses déboires passent plus souvent par des réseaux francophones que par d’autres.
Le français, langue de la Déclaration des droits de l’homme ? On le constate à travers cette enquête, cette langue est encore très souvent associée à des représentations anciennes et traditionnelles : elle est décrite comme « belle », « romantique ». De même que la France est encore associée à des sujets assez attendus: le tourisme, la mode, la gastronomie, le vin… Mais le sondage montre bien que c’est aussi grâce à ces associations, même si parfois elles frisent le cliché, que la langue française se fait encore désirable et peut attirer de nouveaux apprenants.

Pour en savoir plus : https://www.institutfrancais.com/fr/magazine/zoom/enquete-sur-la-perception-de-la-langue-francaise-dans-le-monde
Page en construction


Trois questions à…Aurore Jarlang, responsable du Pôle langue française à l’Institut français.

Avez-vous eu des surprises en découvrant les résultats de cette enquête ?
Oui, plusieurs. D’abord on a réalisé à quel point l’accès au français était lié à une idée de l’ascenseur social : l’apprentissage de cette langue, pour beaucoup et dans beaucoup de pays, évoque une possibilité de gravir des échelons professionnels et d’améliorer une condition modeste. Mais parfois les surprises se sont faites dans l’autre sens : on s’est aperçu par exemple qu’en Pologne le français avait une image trop terne. Et bien sûr cela nous invite à envisager de nouvelles façons de le présenter et de le rendre attractif.

Quels nouveaux accompagnements, quelles nouvelles procédures pourront-elles être envisagées de la part de l’Institut français?
De plus en plus, nous essaierons de favoriser le mouvement vers le français à partir de son ancrage dans la langue d’origine : il faut travailler dans les Instituts français et les Alliances française, bien sûr, mais aussi dans les systèmes éducatifs locaux. En mettant l’accent sur des secteurs éclairés par l’expérience française. L’hôtellerie et la restauration évidemment… mais aussi, par exemple, les métiers d’art. En jouant sur une actualité récente, comme la restauration de Notre-Dame de Paris ou du domaine de Villers-Cotterêts. Les pratiques de la charpente, de la menuiserie, de l’architecture sont toute illuminées par un savoir-faire à la française.

Comment avez-vous déterminé les nations concernées par l’étude ? Que penser de cette absence de l’Afrique subsaharienne francophone ?
On en a choisi douze dans un premier temps : on ne pouvait prendre le monde entier. Mais certains pays ont, avec enthousiasme, cofinancé l’enquête, dans des proportions importantes. Ils se sont donc, plus que d’autres, retrouvés parmi les cibles interrogées.

 

 

 

Aucun commentaire

Laisser un commentaire