Le français parlé, c’est un truc de ouf* !
Extrait du n.457 (mars-avril 2025) Apolline Jove est professeure de FLE en ligne et à l’université de Caen Normandie et autrice du Précis Le français parlé en contexte informel, CLE International, 2025.
Comprendre un peu mieux les Français quand ils parlent, il faut bien admettre que c’est galère* !
Faire découvrir et comprendre les mots et expressions que les Français utilisent dans leurs conversations quotidiennes, ces mots et expressions de tous les jours, courantes et familières, de registre informel, c’est satisfaire une demande des étudiants qui, ayant eu des contacts avec de jeunes Français, sont justement frustrés de ne pas retrouver les expressions qu’ils ont entendues et mémorisées dans les manuels. Ces mots sont ceux qu’on entend dans la rue, dans les trains, dans les conversations entre amis, au bureau entre collègues, dans la bouche des jeunes et des moins jeunes. Pour faciliter l’approche de ce français parlé, on s’attachera à distinguer les contractions à l’oral, les sigles, les acronymes et abréviations, les anglicismes, le verlan, les insultes, non pas pour réutiliser tous ces mots, mais pour les comprendre, car ils sont souvent présents dans les échanges à l’oral.
Différentes formes du français parlé
Les contractions
À l’oral, les Français « avalent » beaucoup de mots, ou les lient entre eux, ce qui les rend difficiles à comprendre. Voici quelques exemples des contractions les plus courantes : Je n’y crois pas > J’y crois pas / Je ne veux pas > Je veux pas/ Je sais > j’sais (prononcé « chais» )/ Je suis > j’suis (prononcé « chui» )/ Tu es d’accord ? > t’es d’accord ?
Les sigles, acronymes et abréviations
S’exprimer par sigle, acronyme ou abréviation est très courant dans la langue française. Les sigles sont la suite des initiales de plusieurs mots employés comme abréviation. Par exemple, SVP (s’il vous plaît), JPP (j’en peux plus), MDR (mort de rire), BG (beau gosse), CV (curriculum vitae), BD (bande dessinée). Par ailleurs, il existe énormément de mots raccourcis. On ne garde que la ou les premières syllabes du mot. Par exemple : perso (personnellement), sympa (sympathique), un coloc (un colocataire), la déco (la décoration), dispo (disponible), dégueu (dégueulasse), l’exam (l’examen)…
Enfin, certaines abréviations ajoutent un suffixe qui donne une connotation péjorative ou amplificatrice. Par exemple : gratos (gratuit), calmos (calme), rapidos (rapide). Dans ce cas, on prononce le « s » final.
Les acronymes sont des sigles qui se prononcent comme un mot ordinaire. On ne prononce pas chaque lettre du sigle, mais on lit les syllabes ensemble. Par exemple : la CAF (caisse d’allocations familiales) se prononce [Kaf], le SAMU (services d’aide médicale urgente) [samu], l’IBAN (International Bank Account Number) [ibane].
Par ailleurs, il existe énormément de mots raccourcis. On ne garde que la ou les premières syllabes du mot. Par exemple : perso (personnellement), sympa (sympathique), coloc (colocataire), déco (la décoration), dispo (disponible), dégueu (dégueulasse), exam (l’examen)…
Enfin, certaines abréviations ajoutent un suffixe qui donne une connotation péjorative ou amplificatrice. Par exemple : gratos (gratuit), calmos (calme), rapidos (rapide). Dans ce cas, on prononce le « s » final.
Les anglicismes
Les Français utilisent très couramment des mots anglais qu’ils prononcent à l’anglaise (comme ils peuvent selon leur accent). En effet, les jeunes Français entendent l’anglais dans les films, la musique, l’actualité, la publicité ou encore les jeux vidéo. Ils reprennent les expressions, notamment quand celles-ci n’avaient pas encore d’équivalent français. Certains mots anglais sont devenus tellement communs dans le langage courant qu’on les considère presque comme des mots français : un burn-out, fake news, feedback, flirt, date, Yolo, Fomo, check-up, sexfriend, easy…
Ces mots sont parfois détournés et utilisés comme verbes ou adjectifs : dater, flirter, overbooker, bader, switcher, bugger, troller, clasher, se fighter, racketter, speeder…D’autres mots sont utilisés dans des expressions ou un peu détournés de leur sens initial : allez go, c’est hardcore, je suis dead , random, partir en live… Enfin il y a ces mots à consonance anglaise complètement inventés en français : babyfoot, relooking, pom pom girl ou boy ( !), klaxon, playback, baskets, flipper…
Les insultes
On les citera ici pour mémoire car le niveau de vulgarité dépendra du contexte et de l’intonation utilisée. Le but ici n’est pas de les utiliser mais de les comprendre si on les entend. On ira donc de la légère insulte, non-vulgaire : Banane, Patate, Andouille, Tête de nœud adressés à une personne qui a agi de façon un peu stupide ; Mauviette à une personne qui n’est pas assez courageuse ; Saligaud à un homme qui a fait quelque chose de répréhensible… à l’insulte vulgaire : Abruti, Imbécile, Cassos, Bouffon, Bouffonne, Tocard, Tocarde pour désigner quelqu’un que l’on trouve stupide ; Enfoiré, Fumier, Salaud, Petit merdeux, Petit con, Crevard pour désigner un homme qui s’est mal comporté ; Crevarde, Bitch, Emmerdeuse pour désigner une femme qui a mal agi…
…au très vulgaire : Sale con, Sale conne à une personne qui nous a beaucoup énervé ou qui s’est très mal comporté ; Connard à un homme qui nous a manqué de respect ou que l’on déteste.
Enseigner le français parlé
En classe de FLE, on peut enseigner le français parlé par thèmes en prenant une liste d’expressions concernant un domaine précis et proposer des activités.
Relier, réécrire, jouer. Proposer par exemple une séance sur le thème « Exprimer son choc et sa colère ». On imagine un dialogue introductif avec les expressions insérées dans des répliques. Puis, un encadré explicatif du vocabulaire, des expressions et des exemples. Enfin, quelques exercices tels que : « Réécrivez ces phrases dans un langage familier », « Reliez les expressions familières de même sens entre elles », « A partir de la deuxième réplique, imaginez ce qu’a dit l’autre personne avant », « Par groupe de deux, jouez un dialogue en utilisant les mots et expressions du choc et de la colère ».
Réemployer. Dans le cadre d’un cours individuel, on prépare une liste de 25 questions avec du vocabulaire du français parlé inséré dans les questions. L’étudiant devra répondre à chaque question posée par l’enseignant en utilisant les mêmes mots de vocabulaire ainsi que les connecteurs logiques du vocabulaire informel comme genre, en fait, fin (enfin), d’ailleurs, en vrai, vu que, du coup.
Voici des exemples de questions à poser : Qu’est-ce que tu kiffes dans la vie ? Qu’est-ce qui te rend ouf ? Est-ce que c’est chaud pour toi de parler français avec tes collègues ? Est-ce que ça t’arrive parfois de faire genre que tu aimes quelque chose alors que t’aimes pas ça ? Qu’est-ce qui te fait péter un câble ?
Compléter. On peut s’appuyer sur une chanson. Les chansons de Grand Corps Malade, d’Orelsan, d’Angèle, de Stromae ou encore de Renard Tortue sont des bons supports pour trouver du vocabulaire du français parlé et informel. On peut mener une activité de texte à trous sur les paroles qu’il faut retrouver en écoutant la chanson. Ces mots manquants sont tous des mots familiers. Les étudiants concentrent ainsi leur attention et auront plus de facilité à les mémoriser ensuite. De plus, ils peuvent avoir envie d’écouter d’autres morceaux du même chanteur et ainsi élargir leur spectre de vocabulaire du français parlé.
Contextualiser. Avec un extrait de film ou de série, l’idée est de préparer des questions de compréhension et de mettre l’accent sur le vocabulaire informel. Ainsi, une activité serait de lire la transcription des dialogues où les mots familiers manquent. Ou bien simplement d’observer ces mots en contexte et essayer ensuite de trouver d’autres situations où on pourrait les employer aussi. L’idée serait de demander aux étudiants d’écrire eux-mêmes un dialogue avec ces mots mais dans un contexte différent.
Le spectre des possibles est donc large et l’enseignant ne doit pas hésiter à y mettre toute sa créativité.

Le Précis du français parlé en contexte informel est tout particulièrement destiné aux étudiants de français langue étrangère. C’est un petit guide pratique pour les étrangers qui veulent comprendre un peu mieux les Français quand ils parlent. L’objectif de ce Précis est de leur faire découvrir, comprendre et apprendre les mots et expressions que les Français utilisent dans leurs conversations quotidiennes, ces mots et expressions de tous les jours, courantes et familières, d’un registre de langue informel, qui, justement, ne sont pas enseignés dans les manuels de français langue étrangère. Cet ouvrage réunit plus de 1600 mots et expressions du français parlé les plus fréquentes réunis de manière thématique et proposés dans de nombreuses activités de discrimination ou de réemploi.
Apolline Jove, Le français parlé en contexte informel, collection Précis, CLE International, 2025.

