In memoriam : Louis-Jean Calvet
Disparition de Louis-Jean Calvet
Triste nouvelle. Nous avons appris hier le décès le 29 octobre 2025 de notre ami Louis-Jean Calvet (1942-2025)
Eh ! Louis-Jean ! Rendez-vous au prochain carrefour !
Cette fois notre « globe-trotter » s’est bien arrêté. Il a même bouclé la boucle : de cette Tunisie où il était né à celle où vient de s’arrêter son voyage. Plus de 50 années d’activités où l’on aura croisé, Calvet, Louis-Jean Calvet, Louis-Jean –c’est selon que l’on parle de l’homme d’écriture, de l’ami, du chercheur ou du chroniqueur- avec toujours le même look, la même dégaine, cette silhouette à la pipe.
« Globe-trotter » des savoirs, des langues ou des musiques, de décalage horaire en décalage conceptuel, Louis-Jean n’a jamais été là où on l’attendait, la plupart du temps, hors cadre, taillant sa propre route, devenu lui-même sa propre marque et une référence. Qu’il s’agisse de sociolinguistique post-coloniale ou urbaine, de politique linguistique, il nous laisse « une école Calvet » informelle, critique, à visée sociale et humaine et surtout toujours portes et fenêtres ouvertes.
Lexicologie, sociolinguistique des mots du quotidien, politique linguistique, notre revue Le français dans le monde a porté témoignage et largement profité de la passion de Louis -Jean pour l’échange et la transmission.
C’est ainsi que nous l’aimions, lui qui nous a aussi fait rêver par la chanson. Ah ! la chanson… Louis-Jean lui a fait faire le tour du monde : « J’aime la chanson , tout simplement ou tout bêtement » confiait-t-il à son ami Georges Moustaki … Combien à travers le monde auront, grâce à Louis-Jean, rêvé ou médité sur cette machine mystérieuse qui de l’interaction d’une note et d’un mot fait naître du sens.
Les lecteurs du Français dans le monde auront été les spectateurs privilégiés de ce récit, récit des sons, récit des mots que Louis-Jean a tissé avec eux depuis près de… cinquante ans. On peut toutes et tous lui dire MERCI et comme dans ce Sud qu’il aimait tant : BRAVO.
Jacques Pécheur
Je fais partie de la cohorte de ces chanceux estudiantins ayant profité de l’enseignement de Louis-Jean Calvet, pour toujours l’auteur de La Guerre des langues. C’est ce livre qui m’a donné envie de suivre son master dans cette ville d’Aix où il habitait toujours. L’échange n’était pas que vertical, et se prolongeait sur ces courts en terre battue qu’il a longtemps fréquentés. Cet athlète infatigable de la linguistique j’ai surtout pu mieux le connaître en entrant au Français dans le monde, cette revue à laquelle il a si bien et si longtemps collaboré. Bon, la première fois, il a profité de ma position de stagiaire pour me demander photocopie de toutes ses chroniques « chanson » ! L’amoureux des beaux airs n’en manquait pas ! Et il me pardonnera cette petite saillie car c’était devenu un jeu dans nos interactions régulières. Qui sont pour moi des archives plus précieuses encore que ses livres.
Je m’amusais à introduire tous mes courriels par des marques de déférence plus farfelues les unes que les autres – grand satrape, raïs vénérable, illustre mamamouchi… – pour exaspérer, avec succès, l’anar souriant qui faisait fi des protocoles. Il louait perfidement en retour mon « esprit sophiste, chicaneur et “discute ailleurs” », car nous n’étions pas avares de jeu de lemmes (humour de linguiste…). Un globe-trotter oui, et un glotte-trotter, avec toujours un projet en cours, article, livre, séminaire, conférence… Ce personnage en était vraiment devenu un cet été, croqué par Aurel dans sa belle BD Méditerranée, où il apparaît, pipe au bec, dissertant sur les langues d’un pourtour dont il avait fait le tour, lui l’enfant de Bizerte, auteur lui-même de La Méditerranée, mer de nos langues, « le plus beau livre du monde » selon Matthias Énard, autre grand voyageur dont il chérissait les ouvrages. Cette incursion dans le monde des bulles avait nourri un autre projet qui, m’avait-il dit, devait voir le jour à l’automne 2026. Une bédé sur l’histoire de l’écriture, mise en dessin par l’excellente Anne Defréville. Espérons qu’elle puisse voir le jour. Car si une page se referme, ses livres, eux, continueront de s’ouvrir, de nous ouvrir.
Une fois, tu avais signé une de tes missives de ton nom en idéogramme. Il te va bien pour un au-revoir là-haut.
高 維
(ma signature chinoise, gao wei = « maintenir haut »)
Clément Balta
Louis-Jean avait aussi un site, qui faisait pour lui office de journal, et dans lequel on peut donc le lire et le retrouver tout entier : http://louis-jean-calvet.com/accueil.htm


AnneBD
Bonjour, je suis Anne Defréville. Je vous confirme que la BD « La voix au bout des doigts, l’histoire de l’écriture » verra bien le jour. Louis-Jean avait pris soin de me transmettre tous les textes. Il espérait voir la BD avant de mourir… j’ai été profondément triste d’apprendre que ça ne serait pas le cas. Mais ça mémoire y sera !