Le mot d’Erik Orsenna : «curiosité»
Un mot, une histoire du 03/02/2025, Lucie Bouteloup

AUDIO

 Télécharger le reportage audio (.mp3)

 Le reportage audio et la transcription

 

 

 

 

Transcription

L’exploration a été ma seconde nature, donc à la fois dans les livres, mais aussi dans la navigation puis les voyages. Au fond, je me suis toujours dit que le prof est celui qui apprend toujours.
Le mot dont il a choisi de nous parler est le moteur de son parcours. Il faut dire que l’homme est un touche-àtout et ça lui réussit plutôt bien. Tour à tour chercheur et professeur d’économie, homme politique, grand voyageur mais aussi auteur prolifique et académicien, Erik Orsenna ne s’interdit aucun domaine d’exploration tant son appétit de découvertes semble insatiable. Lauréat du prix Goncourt pour son roman « L’exposition coloniale », il vient de remporter le Prix du Roman de la nuit pour son dernier ouvrage, « La cinquième saison ».

Un mot, une histoire. Lucie Bouteloup.

Je vais vous parler du mot « curiosité ». Même si j’ai des difficultés à préférer, je crois que c’est le mot que je préfère parce que c’est justement le mot qui nous permet de ne pas préférer. Car « curiosité » vient du latin « cura », quoi, comme dans « cure », comme dans « curatif ». Donc la curiosité prend soin, alors que l’indifférence, c’est le fait qu’on supporte pas la diversité. C’est-à-dire l’indifférent et celui qui ne voit pas de différence et donc celui qui s’en fout. Donc celui qui ricoche sur la vie sans la voir, celui qui ne prend pas plaisir, celui qui ne prend pas soin comme dans cure, curatif. Et donc c’est pour ça que la curiosité m’a toujours absolument fasciné. Évidemment, ça vient de l’enfance, parce que d’après ce que me disaient mes parents, j’avais une tendance à poser la question : comment ça marche ? C’est quoi ça ? Et ne pas les lâcher avant d’avoir complètement compris. Et je crois que presque tous les 70 livres que j’ai écrits, ce sont des livres de curiosité, c’est-à-dire pour apprendre. Moi, je suis un prof, je raconte pour comprendre, je raconte pour apprendre.

Est-ce que, aujourd’hui, la définition qui est donnée dans le Dictionnaire de l’Académie française pour le mot « curiosité » vous satisfait ?

Alors elle est extrêmement large et il y a, je ne sais pas, une demi-douzaine d’acceptions. Alors un : goût qui porte à rechercher des objets d’art, des objets de curiosité, on dit ça. Deux : c’est passion, désir, empressement de voir, de découvrir, d’apprendre. Péjoratif : envie immodérée, grand désir de connaître les secrets, les affaires d’autrui, curiosité déplacée. Vous voyez, c’est formidable. Il y a tout un peuple dans ce royaume de la curiosité.

Quelle est la dernière curiosité qui a éveillé votre intérêt ?

La dernière curiosité, c’est l’immunité. Je connais beaucoup de savants et donc ça, je trouve ça absolument formidable parce que ça veut dire encore une fois, la curiosité va permettre de curer, c’est-à-dire de prendre soin d’eux.

Selon le dictionnaire Larousse, le mot « curiosité » désigne le désir de savoir, un caractère bizarre ou encore ce qui retient l’attention.

C’était un mot, une histoire.