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Fdlm 412 – Littérature : Madeleine Project de Clara Beaudoux (3’32’’)

Posté le par le français dans le monde

Connaissez-vous la twittérature ? Ce mot est issu de la contraction de « Twitter » et de « littérature ». Il désigne une nouvelle forme d’écriture littéraire sur Twitter, dans laquelle les phrases n’excèdent pas 140 caractères. Et c’est là que réside toute l’originalité : détourner l’usage du réseau social Twitter, habituellement utilisé pour partager des commentaires sur l’actualité, pour en faire des œuvres littéraires. À l’image de Clara Beaudoux qui signe Madeleine Project, un feuilleton découpé en quatre grands chapitres. Une enquête palpitante où l’auteur brosse en quelque 600 tweets le portrait de l’ancienne locataire de son appartement qu’elle n’a pas connue de son vivant. Une parfaite inconnue à laquelle le lecteur va très vite s’attacher. D’autres jeunes écrivains issus de la génération Internet s’essayent à cet exercice de style. Baptisés « twittérateurs » et « twittératrices », ils publient poèmes, micro-romans et nano-récits en tout genre. Une chronique d’Ingrid Pohu.

 

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TRANSCRIPTION
Ingrid Pohu – Qu’on se le dise / la littérature tisse aussi sa toile sur Internet grâce à Twitter / avec Madeleine Project / la journaliste radio Clara Beaudoux signe un étonnant récit écrit sous la forme de tweets / à la croisée du reportage / de la fiction et de la poésie / l’auteur nous fait voyager dans l’intimité de son héroïne / Madeleine / une ancienne institutrice / qui aurait eu 100 ans en 2015 – « Voilà plus de deux ans que je veux raconter cette histoire. Alors je vais tenter de le faire ici cette semaine. » – I. P. – C’est par ce tweet que Clara Beaudoux s’est lancée dans le récit de Madeleine Project / en 2013 / la reporter emménage dans un appartement parisien et découvre dans sa cave / soigneusement rangées dans des coffres / les affaires personnelles de Madeleine / la précédente locataire / n’ayant pas de descendant / tout doit être jeté / mais Clara Beaudoux y renonce / car très vite intriguée par la nature de ces archives la journaliste plonge dans l’intimité de cette ancienne institutrice morte en 2012 à l’âge de 98 ans – Cl. B. – Et j’ai trouvé au fur et à mesure dans la cave des photos de voyage de Madeleine / des photos de classe / des lettres d’amour / des bibelots / plein de choses qu’elle avait gardées de son histoire en fait – I. P. – En novembre 2015 / Clara Beaudoux décide d’en faire l’inventaire sur son compte Twitter / au-dessus de portraits noirs et blancs de Madeleine / Clara écrit – « Comme tu avais l’air rigolote, là, Madeleine. Dans ce carton il y avait aussi une petite fiole d’eau de Lourdes, vide hein… Tu y croyais vraiment ? » – I. P. – C’est ainsi que s’interroge Clara Beaudoux avant d’ajouter – « Il y a là aussi quelques cahiers d’écolière, dont celui-là d’octobre 1925, tu avais 10 ans. » – I. P. – Sur le ton de la confidence / la jeune auteur parle aussi de son héroïne à la troisième personne. – Cl. B. – Quand je découvre un objet / je / j’en / je / je / je suppose des choses sur l’objet / je ne sais rien finalement / mais j’imagine / et je pense qu’il y a 140 signes et puis autour il y a toute la part d’imagination qui crée presque un peu de fiction parce que chacun peut se faire un peu son personnage de Madeleine / comme un puzzle où il manque des pièces et chacun peut les combler à sa façon – I. P. – Le tweet est un mode d’écriture rapide et instantané / alors / pourquoi ce choix – Cl. B. – Alors Twitter / moi / je l’ai choisi au départ parce que donc c’était un outil que j’avais déjà utilisé notamment lors de manifestations / d’élections / ça permettait / je trouvais / de raconter des petits instantanés euh imagés / et j’aimais bien ce mode d’écriture-là / vraiment / une image / une légende – I. P. – Paradoxalement / l’écriture se libère-t-elle davantage sous la contrainte des 140 signes – Cl. B. – Oui / je pense que je me suis mise à penser en 140 signes en fait / quand je découvrais les choses dans la cave / je notais l’équivalent de 140 signes sur mon cahier quoi / et / mais après c’était des émotions / donc c’est aussi / voilà / c’est des / c’est des choses que j’ai pu ressentir au moment où j’ai ouvert les boites / donc il ne fallait pas que ce soit plus long que ça il me semble je pense – I. P. – Rapidement / les tweets de Clara Beaudoux attirent des milliers d’internautes pris dans les filets de ce documentaire aux allures de polar qui touche aussi la mémoire collective – Cl. B. – Parce que dans cette cave il y a la carte d’électeur de sa mère en 1945 / il y a des coupures de journaux qui parlent de la Seconde Guerre mondiale / il y a des bons de charbon pendant la guerre / en fait / il y a plein de choses qui dépassent son histoire à elle / mais concerne notre histoire à tous en fait / et je pense que c’est pour ça que ça a touché autant les gens – I. P. – Et pour mener à bien son enquête / Clara Beaudoux a interviewé les voisins et d’anciens élèves de Madeleine / la reporter est aussi partie dans sa ville natale / à Bourges / dans le centre de la France / à la fin du feuilleton / cette dernière se demande – « Quels étaient tes désirs, tes joies, tes colères, tes croyances ? À quoi ressemblait ton paysage intérieur ? » – I. P. – Puis elle lâche – « Qu’aurais-tu pensé de tout cela ? » – I. P. – Cet ultime tweet restera sans réponse.

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