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Audio – Littérature : Dominique Eddé (2’50’’)

Posté le par le français dans le monde

Romancière, essayiste, la franco-libanaise Dominique Eddé qui vit actuellement entre Paris, Beyrouth et la Turquie vient de publier chez Albin Michel Kamal Jann, un roman qui a anticipé sur l’actualité, puisqu’il nous plonge au cœur du pouvoir syrien et qu’il a été écrit bien avant la révolution syrienne. Dominique Eddé au micro d’Isabel Pasquier.

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TRANSCRIPTION

Isabel Pasquier – Avec son roman Kamal Jann Dominique Eddé signe une fresque hallucinante qui nous plonge au cœur de la machine à tuer syrienne / on se retrouve dans la famille Jann / le nœud de vipères du sanguinaire chef des services secrets syriens / dans cette famille terrifiante on se tue / on s’empoisonne / on trahit / ce roman est une performance littéraire qui donne le sentiment d’être dans Shakespeare / dans la tragédie grecque et dans un thriller / avec de machiavéliques tractations entre Américains / Mossad et diplomatie française / cette famille Jann / au cœur du roman / symbolise la chute d’un Moyen-Orient malade / Dominique Eddé – D. E. – Elle me paraissait réunir à elle seule presque tous les fils de cette complexité incroyable qui fait qu’on peut trouver d’un côté un islamiste engagé sur la voie de l’extrême / prêt à sacrifier sa vie et à en sacrifier d’autres / de l’autre son frère qui au contraire a une carrière d’avocat aux États-Unis / très brillant / dans un milieu décadent et / et très friqué / du troisième une femme qui vit entre Beyrouth et Damas / enfin il y avait cette géographie des sentiments et géographie tout court / tellement complexe que là j’avais le luxe inouï de pouvoir entrer dans chaque vie / et avec chaque vie creuser un peu plus dans cette matière / quand même c’est vrai très pourrie – I. P. – Est-ce que cette famille syrienne / c’est une allégorie du Moyen-Orient aujourd’hui – D. E. – Je ne dirais pas qu’ils / ils représentent tout le Moyen-Orient / je dirais qu’ils représentent au contraire la maladie du Moyen-Orient / ils en sont vraiment le cœur malade – I. P. – On est au cœur d’une machine à broyer tout espoir / est-ce que vous avez eu le sentiment finalement de devancer une actualité / de devancer une réalité que / nous / on ne connaissait pas encore si bien finalement – D. E. – J’ai l’impression d’avoir écrit ce livre en retard et en avance / en retard parce que ça fait des décennies que ce monde arabe agonise dans des conditions épouvantables / ce monde-là / celui dont je parle / le politique / le / le / celui du pouvoir et du fric / celui qui fait main-basse sur les vies / ça fait des décennies qu’il est très malade / et que nous tournons autour / nous n’en disons que des morceaux / et donc là il y a du retard / en avance / oui / parce que effectivement j’ai constaté que j’ai terminé ce livre deux mois avant les révolutions / et que la crise de mon personnage qui résume à lui seul tous les conflits qui sont en jeu / sa crise est en quelque sorte / oui / prémonitoire d’une crise qui allait se / se passer à un autre niveau / et qui allait mettre radicalement en cause cet équilibre détestable – I. P.Kamal Jann est sans doute l’un des premiers romans à mettre en scène la fin d’un Moyen-Orient avec d’un côté un pouvoir gangrené par la répression et la corruption et de l’autre un peuple qui rêve de liberté.

LEXIQUE

Nœud de vipères : au sens propre, amas de vipères enchevêtrées ; au sens figuré, situation embrouillée, impossible à démêler, inextricable ; définit souvent des relations familiales très conflictuelles.

Friqué : riche, fortuné (dérivé de fric : argent) (familier).

– Fichier audio à télécharger (.ZIP) : 26-Dominique-Edde.mp3

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