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Un nouveau patronyme après le divorce franco-belge

Posté le par admin

Par Geneviève Briet

Commençons par un petit jeu : associez les noms aux fonctions des entreprises publiques belges suivantes.

Belgacom Banque et assurance des collectivités locales

Belfius Fournisseur d’électricité et de gaz

BPost Gestionnaire du réseau ferroviaire belge

Electrabel Services postaux, banque

Infrabel Télécommunications (téléphone, télévision, Internet)


Vous avez trouvé ? Question subsidiaire : quel est le point commun de toutes ces marques d’entreprises publiques ? Le « b », bien sûr, mais prononcé à l’anglophone pour l’antépénultième appellation. La plus jeune, Belfius, est née le 1er mars 2012, et reprend la syllabe que l’on adopte traditionnellement lorsqu’on porte une entreprise nationale dans les fonts baptismaux : « bel », en hommage à ce pays que le monde n’envie pas pour son modèle d’unité…

Souvenez-vous, la Belgique est un pays où l’on divorce beaucoup : deux mariages sur trois aboutissent à un divorce. Sans oublier la dissension grandissante entre responsables politiques flamands et francophones, les querelles épisodiques entre un parti et le syndicat qui partage la même idéologie ou encore entre les membres d’une entreprise recomposée, fruit d’une alliance internationale par fusion ou par absorption. Si la Sabena s’est volatilisée après son rachat par une compagnie suisse, la banque Dexia, née en 1996 du mariage entre le Crédit communal de Belgique et le Crédit local de France, a évité la faillite en octobre 2011, du fait des actifs « toxiques » qui gangrènent l’économie européenne.

Pour sauver la filiale belge de Dexia, on a organisé un divorce bancaire à la belge : les différentes entités sont devenues étanches et l’État belge a racheté la filiale belge, dans laquelle de nombreux épargnants belges ainsi que des municipalités ont placé leurs économies. Dexia Banque Belgique s’est émancipée et n’a plus de compte à rendre au groupe Dexia. Elle n’est pas non plus propriétaire de la marque Dexia. Voulant se défaire de son passé traumatisant, elle est devenue Belfius Banques & Assurances le 1er mars 2012.

À l’époque de la création du patronyme Dexia, les règles de création patronymique avaient été définies ainsi : « Le nouveau nom doit être court (maximum deux syllabes), prononçable dans différentes langues étrangères et ne pas nécessairement évoquer les activités visées ». Voici aussi quelques éléments d’explication fournis par l’intéressée elle-même : « Les plus romantiques d’entre nous ne pourront probablement pas s’empêcher d’associer “Bel” à beau, alors que les techniciens feront plutôt le lien entre “fius” et l’anglais “fuse”, soit un fusible (électrique). En termes plus imagés, nous arrivons également à “belle fusion”. En ce qui nous concerne, “Bel” fait plus simplement référence à la Belgique, “fi” aux finances et “us”, provenant de l’anglais, à “nous”. »

Immédiatement, ce nouveau patronyme est jugé « pas très inspirant », « peu glamour ». Fort différent de Dexia en sonorité, il suscite l’hilarité dans les réseaux sociaux : « bifidus aux actifs toxiques », «anagramme de fusible ». La finale « – us » évoque au hasard en deux syllabes « anus, cactus, hiatus, virus, », mais aussi « bonus, crésus, tonus, Vénus » et si l’on ne prononce pas le « s » final, « écus, surplus ». Bref, romantique selon certains pour son ramage, mais peu affriolant selon d’aucuns pour son plumage.

Grâce à la diérèse, les professionnels en communication ont réussi à faire passer trois concepts en deux syllabes, ce qui est déjà une réussite. Et qu’en est-il de la neutralité linguistique ? Est-ce un nom qui s’énonce identiquement dans une bouche francophone, germanophone ou néerlandophone ? La sonorité diffère en allemand -[us] –  de celle du français et du néerlandais, pour une fois d’accord sur [ys]. Mais il est vrai que la Communauté germanophone ne compte qu’un peu plus de 70 000 habitants. De plus, que l’on prononce [y] ou [u], on le fait toujours la bouche en cœur, les deux sons s’articulant avec les lèvres.

Qu’auriez-vous choisi, à la place des experts qui ont planché pendant des mois sur cette nouvelle image de marque ? « Belfibanque » ? Trop commun. « Belfinous », pour éviter le recours à l’anglais ? Un peu trop « Bisounours ». Finalement, si l’on se rapproche davantage du « thésaurus » que du « terminus », on n’en demande pas plus.

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