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Je blogue, tu blogues, il ou elle blogue

Posté le par admin

Bienvenue, tout d’abord, sur ce blog Langues françaises. J’y interviendrai une ou deux fois par mois pour commenter l’actualité de la langue française, du point de vue institutionnel, évoquant les colloques, réunions, décisions de politique linguistique, comme du point de vue interne (la néologie, etc.). J’y recevrai également des invités issus des quatre coins de la francophonie. Ils nous viennent ce mois-ci du nord : Geniève Briet décrit avec humour les néologismes du Roi des Belges face à la crise gouvernementale, tandis que Laurence Arrighi et Annette Boudreau évoquent le statut bilingue du Nouveau-Brunswick.

Pour ma part je parlerai de l’enseignement de la langue française aux antipodes, ou presque. Du 2 au 5 décembre 2010 s’est tenu à Sydney, en Australie, le deuxième congrès de la commission Asie-Pacifique de la FIPF. Des enseignants venus de vingt-et-un pays y ont mis en commun leurs expériences et leurs interrogations, leurs espoirs et leurs craintes. En écoutant leurs témoignages, on apprenait bien des choses. Je ne sais plus qui a dit qu’il y avait plus de Chinois apprenant l’anglais que d’Américains aux USA, mais, dans cette partie du monde, le français est une langue première bien minoritaire et pourtant paradoxalement bien présente dans les systèmes éducatifs. En additionnant la population de la Nouvelle Calédonie et de Wallis et Futuna nous arrivons à peine à 260 000 personnes. Autant pour la Polynésie française, soit un total de 520 000 habitants : une grande ville, en quelque sorte. Et en face de cette minorité nous avons 300 000 apprenants de français en Inde, plus de 80 000 au Vietnam, environ 140 000 au Japon, auxquels il faut ajouter les apprenants de Chine, d’Australie,… Les langues qui ont le plus de « poids » dans la région, outre l’anglais, sont le japonais, le malais, l’indonésien, le cantonais, le mandarin mais, bien sûr, ni le français ni l’espagnol ou l’allemand. Alors, pourquoi cette (très) relative popularité du français ? Tous font allusion à des arguments esthétiques : belle langue, langue de culture, langue de l’amour, bref tous les poncifs qui traînent dans ce genre de représentations. Mais on voit aussi émerger d’autres motivations : par exemple, pour les ressortissants de certains pays, la connaissance du français faciliterait l’immigration vers le Canada.

Cette partie du monde constitue une niche écolinguistique très riche : en ne prenant en compte que les langues de plus de 3 millions de locuteurs nous arrivons à une liste de 76. Mais la langue la plus parlée, le chinois mandarin, n’est pas la plus enseignée, et l’on a un peu l’impression qu’en rendant obligatoire chez elle l’enseignement de l’anglais dès le primaire la Chine a abandonné l’idée de diffuser sa langue à l’étranger, ou compris qu’elle n’avait pas d’avenir international. Sur ce point, il faudra bien sûr observer avec attention l’action des instituts Confucius. Quant à l’Australie, on y compte entre 150 et 200 langues aborigènes, et presque autant de langues de migrants. La présence de ces dernières est palpable dans les rues, pour l’œil (les enseignes) comme pour l’oreille, et l’on sent pourtant comme un profond désintérêt pour les langues et le plurilinguisme. Selon les statistiques, 15 % de la population parlerait à la maison une autre langue que l’anglais : par ordre décroissant l’italien, le grec, le cantonais, l’arabe libanais, le vietnamien, le mandarin, etc. Ces minorités ont obtenu que l’on réserve une petite place à leurs langues, dans le système scolaire, dans les médias. Par exemple une station de radio, le SBS (Special Broadcasting Service) émet en 68 langues. Cette relative reconnaissance des langues de migrants aurait, dit-on, profité par contre coup aux langues aborigènes. Mais il faut le dire très vite, car les aborigènes, auxquels on fait mention régulièrement, presque rituellement, dans les discours officiels, les aborigènes qui ont même désormais un drapeau, ces aborigènes donc, on ne les voit guère. Quoi qu’il en soit, on enseigne les langues communautaires (c’est-à-dire les langues de migrants) en primaire, mais furtivement : un semestre de japonais, un semestre de grec, un semestre d’italien, un semestre de cantonais, etc.), selon les écoles. Puis, dans le secondaire, on peut étudier une langue, régionale (indonésien, vietnamien…) ou européenne (italien, français…), mais cet enseignement est facultatif, et en terminale seuls 10 à 12 % des élèves étudient encore une langue. Il en résulte que ce pays extrêmement plurilingue, dans lequel il y a presque autant de langues que de variétés d’eucalyptus, semble tourner le dos à ses langues, à toutes les langues à vrai dire. Ce qui ne surprendra personne, s’agissant d’un pays anglophone, même si ce repli un peu frileux dans un contexte aussi plurilingue peut laisser rêveur… Pour finir, je ne résiste pas au plaisir de vous citer un passage du discours de Pierre Labbe, conseiller culturel près l’ambassade de France à Canberra, en ouverture de ce congrès : « Le monolinguisme est une anémie de la pensée et de l’être. Ce sera bientôt une anomalie fonctionnelle et un handicap contre lesquels il faudra prendre une assurance individuelle dont il faudra payer le prix. Autant les individus que les pays ».

Louis-Jean Calvet

6 commentaires
  1. Bonjour,

    Bravo pour ce blog qui me semble être une excellente initiative !

    M. Calvet, vous êtes français, et vous donnez la parole à des collègues belges et canadiens : les pays du Sud, en particulier d’Afrique, auront-ils droit de cité? La langue française y a aussi une belle vitalité!

  2. Et quoi dire de l’évolution (si on peut bien parler d’évolution) que subit la langue française à l’époque des conversations en vitesse sur internet ? Un monde qui est né sous le signe des anglophones s’ouvre de plus en plus au français, mais j’ai l’impression que cela n’aide pas la langue. Loin de là, entre les facebook et chatroulette français, la langue est de plus en plus privée de ses plus belles facettes, puisque ça ne s’adapte pas aux contraintes du net… je trouve ça dommage !

  3. Un excellent article et merci de donner autant de détails. La langue française évolue constamment avec de nouveaux mots anglophones à cause ou grace à facebook notamment.

    Bonne initiative en tous cas!

  4. Super article ! Le chatroulette est devenu bien plus qu’un simple effet de mode : c’est carrément devenu un nouveau moyen de faire des rencontres gratuitement ce qui est important. C’est très long, certes, mais parfois ça vaut vraiment le coup, je pense.

  5. Il est effectivement important de savoir garder notre langue intact afin de mieux savoir communiquer (eh oui, plus il y a de vocabulaire, plus précises sont nos phrases), mais on a trop tendance à croire que c’est le manque d’éducation seulement qui fait la pauvreté linguistique, je pense que la tv y est pour beaucoup plus qu’internet autres médias tel que Chatroulette ( qui après tout permet la communication avec d’autres peuples) ou msn. Beaucoup de chat sur internet aujourd’hui tiennent à ce que notre langue soit bien traité puisqu’évidemment les geek vieillissent et deviennent peut être plus sages.

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